Louise Valmont a publié quelques… milliers de pages de romance aux éditions Addictives. Elle a également été une des premières élèves à apprendre les techniques de la narration littéraire auprès de Lionel Tran.
Elle partage avec nous ses secrets d’autrice de Romance !
– Louise Valmont, comment avez-vous fait pour être publiée ?
J’ai eu de la chance, mais je crois aussi que j’ai fait abstraction de mes fantasmes de couverture blanche ! Car bien avant d’imaginer écrire de la romance, j’avais envoyé plusieurs manuscrits de romans… ce qui m’a valu un silence poli des éditeurs de littérature générale ou au mieux une lettre type en appelant à leur politique éditoriale qui, malheureusement, ne leur permettait pas de m’accueillir à bras ouverts dans leur maison ! Malgré tout, je suis restée optimiste et ai continué à écrire, pour moi. Un jour, je suis tombée sur l’annonce d’un éditeur à la recherche de nouveaux auteurs : j’ai envoyé mon cv, une lettre de motivation où j’étais très détendue et honnête (aucune expérience dans le genre demandé, mais formée à l’écriture, de bonne composition et ne demandant qu’à apprendre !) et « book » de mes publications antérieures (c’est à dire : un blog de textes courts et humeurs diverses, deux/trois nouvelles publiées sur des sites obscurs, mais surtout de nombreuses chroniques de livres et spectacles écrites pour un webzine culturel)
Aucune nouvelle pendant un an jusqu’à ce que les éditions Addictives pour ne pas les nommer, me proposent de faire un essai ! À ce moment-là, je n’avais jamais lu de romances de ma vie… D’où un petit stress … Un intense, mais rapide survol m’a permis de comprendre qu’il y avait beaucoup de variété et de liberté dans ce genre pourtant sous contraintes et j’ai pu aussi repérer ce vers quoi j’aimerais aller dans cette littérature, complètement inédite pour moi.
Après plusieurs échanges de copies, j’ai reçu une réponse positive. C’est là que le stress est remonté à bloc… Car il fallait à présent développer une intrigue à partir de mon idée, imaginer mes personnages, construire une intrigue, la placer dans un environnement. Heureusement j’étais en dialogue constant avec mes éditrices. Et pour moi, cela a été New York et l’univers de la mode et quelques mois plus tard ma première romance, Play with me, paraissait en épisodes…
– Dans la Romance il faut être très productive. Pouvez-vous nous parler de votre processus d’écriture ?
Je ne sais pas s’il faut l’être, mais c’est un secteur très productif, sans doute un de ceux dans la fiction qui publient le plus de titres par an. Et les lecteurs de romance lisent beaucoup, voire dévorent. Malheureusement, comme beaucoup de choses aujourd’hui dans la culture, les livres ont une durée de vie assez courte. Pour moi, j’ai la chance de pouvoir produire à mon rythme, même s’il est arrivé que deux projets se succèdent sans pause. Pourtant c’est très important pour moi justement de faire une pause entre deux romances, pour me ressourcer et emmagasiner du vécu et de l’observation. Car quand j’écris, je ne vis presque plus en dehors de mon histoire 🙂
Mes éditrices me laissent écrire à mon rythme, mais quand le projet est lancé, elles savent aussi se montrer intransigeantes sur les délais. C’est un des aspects qu’il faut intégrer dans la romance : les délais (de correction, de relecture, de reécriture) peuvent parfois être courts et il faut les respecter. Cela me paraît important de le préciser : écrire et publier (de la romance en particulier) sous-entend d’être professionnel dans ce que l’on sait faire (écrire) bien sûr, mais aussi dans sa relation avec son éditeur. Car la romance, ce sont des livres qui font rêver, mais qui s’élaborent dans un monde très réel de chiffres, de délais, de coûts et de contrats !
Pour ce qui est du processus, je pars d’une idée : une envie, une question, un couple aperçu dans la rue, un contexte. Puis il y a un certain nombre d’étapes, qui peuvent se faire les unes après les autres, mais parfois aussi simultanément.
Ainsi, je me renseigne sur le sujet qui m’intéresse ou un univers : par exemple, pour mes deux romances de campus aux États-Unis, j’ai lu beaucoup de romans américains qui se passent à l’université ainsi que beaucoup d’articles sur la vie dans les facultés américaines. J’ai aussi consulté des blogs d’étudiants, des forums, j’ai épluché les sites des universités (j’ai ainsi quasiment appris par cœur le plan de Columbia pour y faire circuler mes personnages), j’ai regardé des films, séries et documentaires sur le fonctionnement et les scandales à l’université.
Quand c’est possible, je rencontre des personnes « ressources » : pour Play with me, j’ai parlé longuement à une jeune femme qui gère la carrière des mannequins dans une grande agence parisienne, pour les scènes au poste de police, j’ai interrogé un ami d’ami qui avait été en garde à vue, j’ai aussi écouté les copains de mes enfants sur leurs années d’études aux États-Unis En bref, je passe du temps à me documenter pour créer mon univers de référence et situer le cadre : c’est important pour moi de me sentir à l’aise dans le lieu et l’atmosphère où je vais faire vivre mes personnages.
Ensuite je m’attaque aux personnages, à leur caractère et à la relation qui va exister entre eux : en général une opposition assez forte teintée d’attirance qui va tourner à l’amour et la complicité. Mais il y a beaucoup de nuances à ce schéma très caricatural, presque autant de nuances que de romances ! Pendant cette phase, j’avoue que j’observe beaucoup mes amis et les gens autour de moi !
J’essaie ensuite d’écrire l’histoire en une phrase, ce qui est un vrai challenge pour moi (bon j’avoue la phrase ressemble à une phrase de Proust, le style en moins, mais pour la longueur, je lui fais largement concurrence!)
Je continue en construisant un plan détaillé, chapitre par chapitre, en veillant à faire monter la tension, à placer l’intrigue, à la développer, à la résoudre sans oublier quelques surprises et retournements de situation.
Je fais aussi une chronologie qui couvre le temps du roman et parfois remonte même un peu avant.
Puis une fois que tout ceci est prêt et semble être cohérent, je laisse reposer. Mais en fait j’y pense tout le temps sans vraiment y penser (de façon flottante, un peu comme l’écoute du psy…) ce qui me permet de résoudre certains problèmes, mais aussi d’en ajouter !
Puis j’écris. Ce qui veut dire que j’entre dans ma romance de plain-pied : à partir de ce moment-là, je vis, mange, dors, parle (!) avec mes personnages, ce qui n’est pas facile à vivre pour ceux qui m’entourent , car j’oublie un peu le reste de la vie. Je peux passer 10 heures sur un chapitre sans ressentir la faim ou la lassitude…En général, avant de reprendre là où je me suis arrêtée, je relis ce que j’ai écrit la fois précédente , je corrige et je continue.
J’arrive ainsi à un premier jet. Suit alors une phase de relecture, de correction, de relecture à nouveau. Puis j‘envoie mon manuscrit à mes éditrices et je frémis en attendant leur réponse !
– Est-ce que la formation que vous avez suivie vous a aidé ? Sur quels points ?
Oui, la formation d’auteur m’a libérée : j’ai pu sortir de moi des textes plus personnels, plus difficiles, peut-être aussi plus nombrilistes mais qui n’étaient pas des fictions. Elle m’a ainsi permis de passer à autre chose et de comprendre que je voulais et aimais raconter des histoires. Elle m’a aussi permis me sentir un peu plus légitime, même si je n’avais alors aucun écrit publié. Enfin, elle m’a aussi donné des outils ou des réflexes dont je me sers tout le temps :
- Faire des fiches personnages : je les fais à chaque fois même si avant de commencer, je me sens un peu paresseuse… mais ces fiches très détaillées me permettent de savoir et de ressentir comment ils vont réagir à certaines situations.
- Peaufiner les dialogues : j’y passe beaucoup de temps, surtout à enlever tous les mots inutiles, à essayer de les rendre plus vifs et utiles dans la progression de l’histoire.
- Travailler l’ambiance, l’atmosphère, les lieux…
- Rester dans le Show dont tell même si dans la romance, on a plutôt tendance à souligner les sentiments ! Lors des corrections de mes éditrices, j’ai souvent en marge des petites questions sur les émotions et ressentis des personnages. J’ai parfois grincé des dents en lisant ces remarques, imaginant en avoir montré assez, mais j’ai toujours retravaillé ces parties et je dois dire qu’à chaque fois, le résultat était meilleur : c’était plus clair en le disant même s’il ne faut pas tout dire 🙂
- Travailler beaucoup (comme pendant la formation), faire des petites fiches, construire, recommencer, reprendre.
- Couper …même si parfois c’est douloureux quand on s’aperçoit qu’il faut supprimer un chapitre en entier
- Appeler mes copains de formation (en cas de doute existentiel, de crise de légitimité ou de problème technique de narration ou de contrat) : j’ai gardé des liens très forts d’amitié et de confiance avec quelques unes des personnes avec lesquelles j’ai partagé mon année de formation.
– Un conseil d’écriture pour ceux et celles qui voudraient écrire de la Romance ?
Tout en respectant les codes généraux du genre (une histoire d’amour, des difficultés, un happy end), écrire comme on écrirait n’importe quelle fiction, sans essayer de calquer un style qui ne serait pas le sien et serait plus « vendeur », et toujours travailler avec professionnalisme, sincérité et plaisir. Bonne chance à tous !