Alexis Jenni s’est fait connaître avec « L’Art français de la guerre », son premier roman (Goncourt 2011). Pour la sortie de son nouveau roman, « Le passeport de Monsieur Nansen », il raconte son long apprentissage de l’écriture. Alexis Jenni explique l’importance de la lecture pour un écrivain, sa manière de travailler, ses modèles littéraires et donne ses conseils aux apprentis auteurs.
L’apprentissage de l’écriture vous a-t-il pris du temps ?
Oui, puisque j’ai envoyé mon premier manuscrit aux éditeurs en 1991. Et, mon premier manuscrit édité, c’était en 2011, donc, ça m’a pris 20 ans. J’ai fait des études de sciences, pas de lettres -ça ne m’intéressait pas beaucoup, mon dernier cours de français, c’était en première- mais ce que j’ai fait pendant 20 ans, c’était mon apprentissage de lecteur et d’écrivain. Et si on m’a refusé tous les manuscrits que j’ai produit pendant cette période-là, et bien c’est normal, ils avaient bien raison.
J’ai aucun ressentiment là-dessus. Tout le monde me dit : »Ouais, est-ce que tu n’essaie pas de les refourguer, comme ça ? » Ben, non, ils ont eu raison, ils ont fait un boulot de bonne qualité.
J’ai essayé, j’ai appris, j’ai bricolé pendant 20 ans. Et puis après, j’ai fait un livre qui a super bien marché, d’un coup ! C’était 20 ans de travail juste avant.
Qu’avez-vous appris au cours de ces 20 années ?
J’avais une passion pour le formalisme littéraire, les choses extrêmement élaborées, intelligentes, etc…pour montrer combien j’étais intelligent, combien je maîtrisais la littérature, combien j’étais capable de faire des chausses-trapes, des faux personnages, des fausses fictions etc…pour bien montrer que je n’étais pas dupe. Voilà, je suis très français, très contemporain; j’aurais adoré être un grand écrivain contemporain. Et puis ça n’a pas marché bien sûr, je pense que ça devait être assez assommant.
Et, à un moment donné, il y a eu une sorte de relâchement. D’un coup je me suis dit : je ne suis pas doué pour ça, mais j’aime ça. Donc, je vais faire quelque chose mais qui me fait plaisir, parce que de toute façon, ça ne sera jamais publié. Et donc, j’ai commencé à écrire l’Art français de la guerre, qui est juste un bouquin où il y a des types qui courent dans les bois qui se tirent dessus. C’est ça le résumé de l’Art français de la guerre.A partir de là, il y a quelque chose d’intime qui est sorti, de sincère. C’est la fiction qui permet ça. Et même, la fiction de genre. C’est, au fond, un livre d’aventure. Pendant que je fais mon livre d’aventure, que j’ai 12 ans en écrivant et que je fais ‘pan-pan-pan’ dans les bois, il y a l’intime qui va sortir discretos qui serait pas sorti tout seul.
La fiction permet ça : elle permet de biaiser par rapport aux réticences à l’écriture. Je crois que l’état fondamental de l’homme, c’est de ne pas écrire, c’est de résister à écrire, de vouloir écrire mais d’y résister. Il faut des ruses pour passer au-delà de ses résistances. Une des ruses, c’est faire du genre, parce que c’est quelque chose de très normé. J’ai parlé à Marie-Hélène Laffont, agrégée de grammaire etc..elle se donne des sortes de contraintes grammaticales.C’est son truc. Moi, mon truc, c’est le genre. J’ai fait des romans de guerre. C’est une façon de biaiser un peu, de passer par la porte de derrière, parce que la porte de devant est bien barricadée. La fiction a cette capacité.
Faut-il lire pour écrire ?
Faut faire que ça ! A la fois, ça me fait rire et de la peine d’entendre des gens qui disent : » Oh non, moi je lis pas, je veux pas être influencé. » Quelle horreur !
Moi, au fond, j’aime lire. J’adore la littérature, j’adore ce que font les autres. C’est super ce que font les autres ! J’ai envie de le lire !
Après, en effet, je suis influencé. ça voudrait dire quoi : ne pas être influencé ? On sortirait de soi des trucs ? C’est pas terrible ce qui sort de moi comme ça. Par contre, j’ai envie de choper des trucs par-ci par-là et puis de les remixer et d’en faire quelque chose.
En fait, à chaque fois que je lis des choses que je trouve bien, qui me touchent dans un roman que quelqu’un d’autre a écrit, j’ai envie de le capter, pour le mettre dans le mien.Il faut lire ! Un écrivain qui ne lit pas se prépare une carrière d’écrivain raté.
Lisez-vous différemment en tant qu’écrivain ?
Oui, je pense. Je lis à deux niveaux. Je lis basiquement : ‘ouais, c’est chouette, ça me plait, c’est intéressant, ça me touche etc..’ comme tout le monde.
Et après, je lis pour saisir comment fonctionne la machine littérature. Dès fois, il y a des livres un peu moyens, mais ça m’intéresse de voir comme ils sont faits. Comment ça dit ? qu’est ce que ça dit ? Pour moi, un roman c’est une machine et j’ai envie de voir comment ça fonctionne. J’ai envie de démonter un peu les pièces pour voir ‘ah tiens, c’est comme ça, c’est fait comme ça, là ça me plait pas trop, mais je comprends comment ça marche.
Il y a deux niveaux de lecture, toujours.
Avez-vous des modèles littéraires ?
Ah, bien sûr ! Ils ont un peu changé au cours du temps. J’ai eu une grande passion pour Ponge dans le travail de la langue, c’est un poète. Mais c’est totalement inadaptable au roman. Ce travail sur la langue. J’ai été passionné par Borges, ses récits philosophico-foutraques. J’ai une passion pour Jouve. A chaque fois, c’est un peu des poètes littérateurs. Je lis peu de poésie mais j’adore les poètes qui écrivent des romans, il y a une présence de la langue.
Ces gens-là ont été pour moi des modèles dans le sens où j’avais envie d’écrire des livres où la langue était lourde, épaisse, où elle crée quelque chose.
Avez-vous des modèles dans la littérature de genre ?
Moi, mon dada, ça a été la science-fiction. Jusqu’à l’âge de 20 ans, je n’ai lu que de la science-fiction. C’était de la mono-culture. Alors bon, à 20 ans, dans les années 80, ça veut dire que j’ai une très bonne culture de la science-fiction des années 60-70 qui était une excellente époque. Et puis, j’ai arrêté dans les années 90.
Pour moi, même la science-fiction un peu basique, comme le space-opéra, j’adore.
Je me souviens de mes battements de cœur quand j’ai vu le premier plan de star-wars en 1979. Ça m’a fait quelque chose.
Qu’est ce que l’originalité dans l’écriture ?
J’en suis revenu, de l’originalité !
Franchement, quand j’avais 25 ans, il fallait être original, il fallait trouver une nouvelle forme. C’est ce qu’on dit. Maintenant, je m’en fous totalement des nouvelles formes. Mais je sais ce que je fais.
Ce qui m’intéresse, c’est de faire sortir quelque chose à la fois d’intime, d’universel, de touchant, enfin, tout ce qu’on veut, de faire bouger le lecteur. Après, il faut faire feu de tout bois.
Et le classique bien fait, ça a des vertus.
Votre écriture est -elle classique ?
Ouais ! Parce que j’étais passionné de formalisme et d’invention. Je sais un peu ce que je fais.
Il y a eu des trucs un peu idiots du genre : ‘ Ah, vous utilisez du passé simple, quand même, à notre époque !’ Ben ouais ! On a un clavier grammatical, faut jouer de tout ! On va pas juste jouer sur un petit orgue Bontempi ‘poum-poum-poum’. Le passé simple, le conditionnel, l’imparfait, Youpi ! Et de temps en temps le présent, quand il y a besoin.
Comment travaillez-vous sur un roman ?
Alors, j’écris. J’ai fait des romans, où, souvent, il y a une base historique; dons, il y a eu de la doc. Mais je ne commence pas à rassembler de la doc et après j’écris. ça sert à rien de rassembler de la doc dans le vide. Je commence à écrire, et après, quand il y a besoin de doc, je vais la chercher, et ainsi de suite. Donc en fait, il y a un ping-pong comme ça entre la réflexion un peu méthodique, scientifique et puis l’écriture. Mais l’écriture est première. C’est l’écriture qui génère le roman. Il faut que des phrases sortent, que les phrases s’assemblent. Les situations, les personnages s’inventent par l’écriture.
C’est angoissant, parce que l’écriture, ça ne marche pas tous les jours. Arriver à faire des phrases qui se tiennent, où il y a de la densité… des fois ça marche et des fois, ça marche pas. Des fois ça marche merveilleusement et Boum ! je termine ma journée de travail avec 5000 signes, 3-4 pages; et puis des fois ça marche pas du tout et j’ai 3 misérables lignes. Mais le lendemain, ça va être retravaillé, etc..assemblé. Après, tout va être mis en plan; le plan n’est pas avant, mais vient après. Je n’aurais rien à planifier si il n’y avait pas d’écriture. Donc il ya génération de textes, les épisodes, les personnages sont mis dans un plan; je fais des grandes feuilles avec des flèches et des carrés. Après, ceci suggère d’autres écritures, etc…
Ce qui est important, c’est que ça ne commence pas pour une histoire. Dire, le roman, c’est une bonne histoire, c’est une notion qui ne m’intéresse pas.
Par quoi commencez-vous ?
Une phrase. Et un personnage. Un personnage qui dit une phrase, ou une phrase qui décrit un personnage. Par exemple, j’ai fait un bouquin qui s’appelle Féroces Infirmes sur la Guerre d’Algérie. Et je savais pas comment le prendre. Je voyais à peu près ce que j’avais (en tête), mais il n’y avait pas la coagulation, ce moment de précipitation. Et un jour, je me réveillais d’une petite sieste -car je pratique assidûment la sieste, et même quand je faisais un travail sérieux, je faisais la sieste- et au moment de somnolence de sortie de sieste arrive brusquement comme ça : » Je n’aimerais pas que mon père atteigne 80 ans. »
Voilà, le genre de truc qui sort de nulle part. Je note ça, et 2-3 lignes s’en suivent. Et hop ! C’était le début du roman. C’est dire que tout ce que j’avais envie d’écrire a précipité comme une réaction chimique, autour de cette phrase.
La phrase, pour l’Art français de la guerre, c’était pas en sortie de sieste, mais au petit matin.
J’ai fait des chroniques hebdomadaires dans la presse pour la Croix pendant 3 ans. Pour une chronique c’est très simple, il faut une idée vague et une première phrase. Et la première phrase, une fois qu’elle est lancée, l’idée vague s’enroule autour.
Faites-vous beaucoup de recherches ?
Alors, c’est des recherches de romancier, pas d’historien. Il y a un seul livre où j’ai fait des recherches sérieuses, c’est ‘La planète n’est pas très sûre’, un livre de vulgarisation scientifique. J’étais bien obligé de chercher précisément les choses, à la fin, j’en avais marre.
Quand je dis recherche de romancier, c’est que je vais lire d’autres trucs. Mon super-pouvoir, c’est que je lis vite. Donc, je lis des tas de trucs, j’attrape des choses qui me font penser, qui me font rêver, qui font romanesque, voilà ! Et après, à partir de là, je construis mon propre récit.
Il y a des gens qui me disent : « Vous devez avoir une documentation énorme ! »
Non, mais une documentation efficace. Celle où j’ai attrapé des petites pépites. Donc, je ne suis pas historien; je ne serais pas bon en historien. Je suis un type qui va lire l’histoire et attraper des trucs qui font roman.
Réécrivez-vous beaucoup ?
Tout le temps, je réécris en permanence. Le plus souvent, j’ai un tout petit carnet qui tient dans la poche, et là, les choses qui viennent…des fois, il m’arrive de m’arrêter dans la rue -embouteillage derrière- et j’écris ce qui vient, ça vient à ce moment-là. Et si on ne l’attrape pas, ça ne revient pas.
Après, je vais écrire à la main dans des grands cahiers, et à partir de ces fragments, de ces bouts de phrases, je fais des pages.
Après, je vais remettre ça sur l’ordi, parce que quand-même, je ne suis pas un sauvage. Avec un magnifique logiciel qui dicte, qui fait une page Word dictée. Et là, je relis encore, je retransforme encore, je repasse dessus. Je repasse encore. Et puis après je rassemble, et puis je repasse. C’est un travail de fou !
Le travail de structuration se fait au moment de la dictée sur ordinateur ?
Il y a plusieurs structurations successives. Il y a en fait une restructuration permanente. Quand j’écris à la main pour produire ces pages et quand je passe sur ordinateur. En fonction des choses qui arrivent. Par exemple, là, je suis en train de faire un roman, de le mijoter. J’avais fait un début, ça avait l’air bien. Et à un moment donné, il y a un truc qui sort de nulle part. Pfiou ! Mais comment je vais faire ? Et puis après je me dis : Ah ! on va le mettre au début, ça fera un super début. Et hop, je restructure comme ça et ainsi de suite.
Vous relisez beaucoup ?
Oui je relis plein de fois. C’est marrant, pour moi, ça dure environ deux ans, pour faire un roman. Un essai, c’est quelques mois, mais un roman, c’est environ deux ans, parce que ça mijote lentement. Et je relis, je relis, je relis. Et au début, quand je relis, ça change des pages, et puis petit à petit, ça change des phrases et puis au bout d’un moment ça change un mot, et puis après, quand je me dis qu’il n’y a plus qu’une virgule à changer, faut arrêter ! C’est fini.
Faites-vous appel à des relecteurs extérieurs ?
(Soupir) Alors, non. Ma conjointe, j’en suis trop proche, je ne supporterais pas si elle me dit : ‘oh, c’est pas terrible’, j’arrête tout. Donc, ça va pas. Les amis aussi, c’est compliqué. Donc je fais une version 80%, c’est-à-dire que je fais tout ce que je peux faire moi-même, en n’étant pas sûr de tout. Il y a des choses, suivant les jours je me dis : ‘c’est bien’/’c’est pas terrible’.
Et quand j’ai fait la version que je peux faire tout seul, je donne ça à l’éditeur. Et lors de ses retours, je lui dit de me dire tout ce qui lui passe par la tête, en bien, en mal, sans oublier ce qui est bien, ce qui pourrait être changé, tout ça…Et là, on en discute, j’ai un retour; et je vais pouvoir finir mon bouquin.
Le bouquin que j’aurais fait tout seul, d’abord, un, je n’en suis pas très sûr, et deux, je pense qu’il y a des choses qui vont bloquer. Mais quand l’éditeur, avec qui je m’entends bien -enfin, j’en ai plusieurs- qui n’est pas mon ami, au sens intime du terme, parce que l’intime, ça va pas du tout dans ce domaine. Grâce à sa vision de lecteur, il me dit : « Là, c’est super. Là, on perd le fil. Là, c’est un peu ennuyeux. Là, tiens, tu devrais développer ça. Etc… »
Alors, là, je fais exactement comme je veux, mais je vois à peu près la forme qu’a mon roman. Parce que comme je suis dedans, je ne le vois plus, je sais plus ce que c’est. Il me faut quelqu’un qui soit dehors et qui me dise : « Hep hep, par là, un peu plus à droite, comme ça, voilà ! » Et là, je peux vraiment le finir.
Qu’est ce qui est le plus important pour vous dans vos romans ? L’Univers où se déroule l’histoire ? le personnage ? le rythme ?
Alors, il y a quelque chose dans la langue, dans la vitalité de la langue. Moi, mon but, ce serait de pouvoir le lire. ça m’est arrivé peu de fois, mais j’aime vraiment ça parce qu’il y a une sorte de martèlement de la lecture. J’ai entendu ce que j’ai écrit lu par des acteurs. C’est un bonheur ! La première fois, c’était Thibault de Montalembert qui en a lu un morceau : j’en étais épuisé physiquement ! J’en avais les jambes qui tremblaient tellement j’étais à nouveau dedans ! C’est magnifique !
Il y a vraiment ça : la vitalité de la langue, la rythmique, la musique, ect…Il y a ça.
Et puis après, en effet, des personnages qui sont ballotés par le récit. ça se crée vraiment par le personnage, je crois, et par ce qu’il fait.
En fait, quand j’ai laissé tomber la littérature formaliste, je me suis dit : je vais faire un vrai roman avec des personnages qui font des trucs. Voilà ! En gros, c’est ça, le romanesque. Mais avec une langue puissante. C’est pour ça que j’aime beaucoup les russes qui sont imprégnés de poésie et qui ont une puissance dans la langue qui est magnifique. Le grand regret de ma vie, c’est de ne pas parler russe.
Dans votre dernier roman, « Le passeport de monsieur Nansen », qui est un roman d’aventure, comment avez-vous travaillé le personnage qui est une personne réelle ?
J’ai lu un tas de choses. J’ai lu ce qu’il avait écrit. J’ai lu des choses écrites sur lui, en français et puis en anglais, parce qu’en français, y a pas grand chose. Et puis après, j’ai ramassé plein de petits trucs. Internet, pour un écrivain, c’est une mine incroyable. Y a pas beaucoup de pensée sur internet, mais y a beaucoup d’informations, d’images. C’est extraordinaire.
Et puis, l’écriture a commencé à partir du moment où j’ai vu les portraits de Nansen. Déjà, ça m’a fait rêver : ça alors,c’est qui ce personnage ? avec sa tête de viking et ses yeux terribles ?
J’ai essayé de trouver quelque chose qui soit de l’ordre du romanesque.
Qu’est ce que j’appelle romanesque ? C’est quelque chose qui a une dynamique interne. J’ai commencé à me dire qu’il y avait une vie romanesque dans ce personnage quand je me suis rendu compte que toute sa vie il a eu l’impression de rater sa vie, alors qu’il a fait des tas de trucs incroyables. Non seulement il était chargé de mélancolie, mais en plus, il était assez insupportable.
Donc, ça devient intéressant. Qu’il soit champion du monde dans tout ce qu’il fait; ouais, il y a superman qui fait ça. Et superman n’a pas d’histoire, en fait.
Mais si il est complètement travaillé par la mélancolie et qu’il en devient pénible pour son entourage, voilà un vrai truc intéressant ! Parce qu’en plus, là, chacun va comprendre.
Si je raconte les exploits d’un surhomme, ça n’intéresse personne. Si je raconte les tourments d’un homme qui finit par faire des choses malgré sa noirceur intérieure, ben là, ça y est, on peut s’intéresser au personnage.
Est-ce que ça a été difficile de faire à votre main ce personnage sur lequel il y avait déjà tellement d’écrits ?
Il n’y en a pas tellement en fait. Et puis après, je suis sans vergogne !
Quand j’ai commencé le livre sur John Muir, j’ai dit à l’éditrice qui me proposait de faire ça : « Je ne vais pas faire une biographie exhaustive de 500 pages. » « Ah oui, tout à fait ! On sait bien à qui on s’adresse. » Donc j’ai fait mon Muir, comme j’ai fait mon Nansen.
J’essaye de faire des interprétations romanesques, plutôt, pour essayer de faire bouger un peu le personnage, qu’on le voit bouger.
Le romancier est sans vergogne, il ne faut pas se fier à lui. Il raconte, donc il ment. Mais le bon romancier ment bien, donc, raconte bien.
Dernière question. Quels seraient vos conseils à un apprenti écrivain ?
Lire, écrire.
Ne pas hésiter à se confronter, à montrer ce qu’on fait à des gens, qui ne sont pas trop proches, ça biaise tout. Qui sont des éditeurs, des formateurs. Dans ma vie je n’ai jamais fait d’atelier d’écriture, parce qu’à mon âge, ça n’existait pas. Et puis bon, j’ai grandi dans le fantasme français du génie solitaire. Et puis après je me suis dit que finalement, c’est une occasion de se confronter et aussi d’écrire dans un cadre, ce qui est une très bonne chose.
Donc voilà : lire tout le temps. Parce qu’en fait écrire, en fait, ça n’est jamais que participer à la littérature, donc à la lecture. Écrire tout le temps, ce qui passe par la tête, ce qui vient, ect…Et, tant qu’on peut, se confronter, faire lire ce qu’on a…Peut-être qu’on peut se former comme ça en moins de vingt ans ? Moi, j’ai mis un peu de temps, quand-même.
Interview : Lionel Tran – Transcription : Amoreena Winkler
Réalisé le 9 novembre 2022 – à l’occasion des 25 ans de la Librairie Vivement Dimanche