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Vincent Hauuy : Apprendre de ses échecs


Vincent Hauuy est  auteur de thrillers. Il a commencé à écrire  et à être publié en 2017. Son 1er roman, « Le tricycle rouge » a été un succès. Il vient de publier son cinquième roman, s’aventurant dans l’anticipation avec« Survivre » et la psychologie avec des romans comme « L’Étudiant » et « Dans la toile ». Il partage son apprentissage de la narration.


Comment vous êtes-vous formé ?
Principalement de manière autodidacte. J’ai toujours été féru de dramaturgie. J’en ai fait aussi mon métier, car je suis aussi concepteur de jeux vidéo. Donc, je me suis intéressé à la dramaturgie de manière générale.
Il y a beaucoup de livres anglo-saxons qui existent sur la construction de scénario. Énormément. C’est moins vrai en France, donc je me suis nourri de la littérature anglo-saxonne à ce niveau-là, et pendant des années. Parce que le but c’était de perfectionner non pas forcément le style, mais au moins la construction d’une histoire, l’élaboration de personnages. Et ces livres-là étaient orientés à la fois sur le scénario, mais aussi sur l’écriture de livres.

Auriez-vous réussi à construire un roman sans passer par cet apprentissage ?
Je pense que oui, mais ça aurait été plus long. On apprend de ses échecs, et d’ailleurs c’est ce que j’ai fait la première fois. J’avais écrit un manuscrit, et, je l’ai envoyé à des maisons d’édition, et c’était lettre morte… et maintenant si je le relisais, je me rendrais bien compte pourquoi. ll y avait des erreurs, tout simplement. Après on se demande pourquoi, alors on se remet en question. On peut se dire aussi que c’est la faute des autres, « ils ne reconnaissent pas mon talent ».

Il faut avoir l’honnêteté de faire une forme d’introspection et de regarder ce qui ne va pas. Et là je me suis dit, ok, est-ce qu’il y a des outils qui existent pour savoir ce qui définit une bonne histoire, comment créer des histoires et tout ça… et sans vouloir m’enfermer dans un carcan, je me suis au moins intéressé à ce qui se faisait. D’ailleurs, il y a des solutions qui sont plus ou moins ouvertes.
Il  y a des techniques de dramaturgie en trois actes… et il y a aussi Truby qui propose des choses complètement différentes, mais qui revient finalement à du trois actes. Il y a Vladimir Propp qui a fait des choses, il y a « Le Héros aux mille et un visages » de Joseph Campbell. Ces gens-là ont passé presque leurs vies à étudier qu’est-ce qui fait une histoire, donc je veux dire pourquoi réinventer la roue ? Regardons ce que font ces gens-là.

Comment gérez-vous les règles spécifiques aux genres ?
Alors, il y a des règles de genres, effectivement, que je tends un peu à tordre maintenant que je les ai beaucoup appliqués, surtout dans mes premiers… .

La littérature noire peut se fondre avec la littérature générale. C’est juste une tonalité particulière. Par contre, il est vrai que dans le genre thriller, celui dans lequel j’écris, là c’est très codé. C’est-à-dire qu’on doit, si possible, avoir un rythme rapide, des chapitres courts, créer en permanence un point d’interrogation sur la tête du lecteur pour donner la sensation de page turner. Avoir un hook, dès le début, pour pouvoir ferrer tout de suite le lecteur et l’entraîner dans l’univers, et après ne plus le lâcher. Mais ça ce n’est pas une question, forcément, d’histoire ou de personnages, c’est une question de construction et de rythme, en fait.

 Comment travaillez-vous sur un roman ? Vous faites d’abord beaucoup de recherches, vous créez les personnages ou vous vous lancez sans savoir et vous ré-écrivez ensuite ?
Moi je suis un mix de tout ça. C’est-à-dire que j’écris un plan, que je ne respecte jamais. Parce quand on élabore un plan, ce sont souvent des silhouettes. Et même si on fait un plan avant, de personnages bien élaborés et tout, il s’avère qu’ils ont un développement organique dans l’histoire.
Et à partir du moment où ils ont un développement organique dans l’histoire, ils commencent à avoir de la substance, ce ne sont plus des silhouettes, et il se peut que ça arrive pratiquement tout le temps, et que les choses qu’on avait prévues pour eux, ne soit pas compatible avec leurs personnalités. Donc ils prennent l’ascendant sur l’histoire et du coup, ils l’emmènent dans une destination non prévue. 

À partir de quoi crééz-vous vos personnages ? De vous-même ? De gens que vous connaissez ?
Un mix de tout ! Ça peut très bien être un oncle qu’on a connu, une personne qui a eu un problème une fois dans sa vie et puis quelque chose qui revient, et puis dès fois ça peut être complètement construit. Ou des fois un fait divers qu’on lui. Ou même une personne qu’on rencontre au détour d’ un voyage, d’un transport en commun, dont la physionomie interpelle, voire même la façon dont elle s’habille… Voilà, c’est un mix de tout ça.

Ré-écrivez beaucoup ?
Je réécris, oui. À partir du moment où je ne respecte pas mes plans, et puis, en plus, souvent les premiers drafts, en fait… On dit « first draft is shitty draft ». Ça veut bien dire que ce qu’on a écrit, c’est pas super top du point de vue de la littérature. Mais au moins ça pose l’histoire, ça pose les personnages, et après on approfondit un peu plus au niveau stylistique, au niveau littéraire, l’œuvre.

Avez-vous  des bêta-lecteurs ?
Oui. Pas tout le temps, mais oui, et c’est toujours les mêmes. Mais parfois, j’en ai des nouveaux. Ça aide à avoir des retours objectifs. 

Une dernière question, quel serait votre conseil à un apprenti écrivain ?
De finir un livre, déjà. Il ne faut pas lâcher. Et je conseille de se fixer des objectifs, des micro-objectifs. Il ne faut pas regarder la montagne, pas la hauteur, pas l’escalier, il faut regarder les marches. Donc on se dit cinq cents mots par jour, et à la fin on s’aperçoit qu’on a construit quelque chose. Il ne faut pas être intimidé par le nombre de pages que l’on va faire. 

Interview & Caméra : Lionel Tran. Transcription : Julie Fuster. Montage : Ryu Randoin.

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