Avec « Les Corrections », Jonathan Franzen trace les arcs narratifs de personnages aussi névrosés qu’inoubliables.
Troisième roman de Jonathan Franzen, « Les Corrections » est le livre qui initie la popularité de l’auteur et installe sa carrière à l’international. Le roman vient de fêter ses vingt ans et reste d’une actualité déconcertante. Suivront « Freedom », « Purity », et, très récemment « Crossroads », variations autour de thèmes déjà férocement présents dans « Les Corrections » : la famille, les non-dits et une certaine décrépitude du rêve américain puritain.
« Les Corrections » suit les membres de la famille Lambert lors d’un Noël du début des années 2000. Nous sommes dans l’Amérique blanche, petite-bourgeoise, effrayée par l’idée d’être passée à côté de sa chance.
Alfred, le père, s’enfonce dans une sénilité que personne n’est prêt à accepter. Ni son jeune fils, Chip, trentenaire puéril dont la carrière d’enseignant est déjà pulvérisée. Ni Denise, la soeur, qui noie son angoisse dans son restaurant. Ni Gary, l’aîné qui cherche encore l’autorité dont il se pense garant.
Et enfin, surtout pas Enid, l’épouse d’Alfred, involontairement transformée en infirmière à domicile. Mère et épouse angoissée, cette dernière est probablement le personnage le plus agaçant et le plus touchant du roman. Hantée par la comparaison perpétuelle entre sa vie et celle de ses amies, sa rencontre inattendue sur un bateau de croisière avec une drogue illégale change ses perspectives.
Le lecteur est happé par la destinée de ces personnages qui ont en commun, au-delà des gênes, un besoin inassouvi de perfectionnement. Car les « corrections » du titre sont celles que les personnages essayent d’appliquer à eux-mêmes, à grands coups de médicaments ou d’histoires sans lendemain. Ce sont aussi les « corrections » qu’ils essayent d’appliquer à ce qu’ils pensent avoir hérité des uns et des autres, comme une infection.
Jonathan Franzen est doté d’une immense capacité d’observation et d’une intelligence rare. Dieu merci, cela ne l’a pas rendu cynique ou méprisant, et il ménage des moments de grâce à ses personnages qu’on ne finit pas forcément par aimer mais par comprendre et absoudre.
Un roman à lire par qui souhaite voir de l’intérieur une gestion impeccable d’un point de vue multiple et un exemple magistral d’une intrigue qui naît d’arcs de personnages aussi névrosés qu’inoubliables.