Alors que l’intelligence artificielle envahit peu à peu le domaine de la création, la littérature est-elle en passe de devenir un vestige du passé ? Pour Jón Kalman Stefánsson, il n’y a aucun doute : la littérature est en danger, mais elle demeure aussi une forme ultime de résistance. Dans une époque où la superficialité et la rapidité priment, Stefánsson livre une réflexion percutante sur la nécessité des récits pour préserver l’âme humaine. Face aux algorithmes et aux « œuvres » générées par des machines, la littérature peut-elle encore sauver ce qu’il reste d’humanité ?
La littérature, un refuge intemporel, a toujours démontré sa résilience face aux épreuves du temps. Pour l’écrivain islandais Jón Kalman Stefánsson, cet art de raconter est bien plus qu’une simple expression artistique ; il incarne une essence humaine profonde, un besoin intrinsèque de comprendre le monde et de créer du lien entre les individus. Lors de son interview exclusive avec Les Artisans de la Fiction, l’auteur de Ton absence n’est que ténèbres nous livre une réflexion poignante sur la puissance des histoires et leur rôle essentiel dans nos vies modernes.
La force des histoires : comprendre le monde et se comprendre soi-même
Dès les premières minutes de l’interview, Jón Kalman Stefánsson insiste sur l’importance des récits dans la construction de l’humanité : « Depuis que l’homme est devenu homme, les histoires sont là, elles sont l’une des choses qui nous rendent humains. » Pour lui, chaque histoire est une manière de revisiter les événements, de chercher à comprendre les mystères du monde, mais surtout de répondre à des questions fondamentales : « Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où devrions-nous aller ? »
Dans cette quête, la littérature s’impose comme un outil indispensable pour appréhender les complexités de l’existence. Il la décrit comme « une arme puissante contre les forces sombres de notre monde », une métaphore qui souligne le rôle subversif des récits dans la lutte contre l’injustice et l’obscurité.
La transmission des récits à travers les générations
Jón Kalman Stefánsson accorde une grande importance à l’héritage des écrivains qui l’ont précédé. Des auteurs comme Halldór Laxness, le célèbre prix Nobel islandais, ont profondément marqué son œuvre.
Mais c’est également la poésie qui, selon lui, forge la richesse des récits : « La poésie est souvent plus importante que la prose, elle touche directement à la profondeur de l’âme humaine. »
Pour l’auteur, l’acte de lire est aussi essentiel que celui d’écrire. Lire, c’est apprendre à raconter, à structurer des histoires, mais aussi à puiser dans une mémoire collective.
À ce propos, il souligne l’importance d’une immersion dans sa propre langue : « Il est important de lire dans d’autres langues, mais si vous êtes écrivain, vous devez surtout lire tout ce que vous pouvez dans votre propre langue. »
L’écriture comme acte de résistance
Jón Kalman Stefánsson défend une écriture intuitive, ancrée dans la spontanéité et dans l’écoute des personnages. Il avoue que, pour lui, écrire, c’est un acte organique qui se façonne au fur et à mesure que l’histoire se déroule : « Je ne pense pas avant d’écrire. Je crée en écrivant. » Cette approche reflète une profonde connexion entre l’auteur et ses personnages, qui deviennent presque indépendants au fil de l’écriture.
Il décrit d’ailleurs cette relation comme un travail musical : « L’écriture est comme jouer d’un instrument. Il faut jouer jusqu’à entendre la note juste. »
Cette approche intuitive est également une manière pour lui de résister aux contraintes narratives strictes. En effet, pour Stefánsson, la littérature doit rester un espace de liberté, un lieu où l’imagination peut se déployer sans être enfermée dans des carcans rigides.
La réécriture : un processus infini
Comme de nombreux écrivains, Jón Kalman Stefánsson reconnaît l’importance de la réécriture dans le processus créatif. Il raconte que, même après avoir écrit un premier jet, le travail est loin d’être terminé :
« Je réécris constamment. Certains passages se révèlent parfaits dès la première écriture, d’autres doivent être retravaillés encore et encore. Parfois, après des dizaines de révisions, je réalise que ce passage n’appartient tout simplement pas à ce livre. »
Cette patience face à la création littéraire témoigne d’une vision artistique où chaque mot doit être minutieusement choisi pour exprimer une émotion, une pensée ou une vérité universelle.
La littérature face aux défis du monde moderne
L’entretien aborde également les inquiétudes liées à l’avenir de la littérature, notamment à l’ère des intelligences artificielles et des transformations technologiques. Jón Kalman Stefánsson reste néanmoins optimiste quant à la pérennité de l’art littéraire : « La littérature est une de ces choses qui nous rendent humains, et cela ne disparaîtra jamais. »
Pour l’auteur islandais, même si la manière dont nous consommons les livres évolue, l’envie de raconter et de lire des histoires restera toujours présente. « Les livres sont menacés par de nombreuses choses, mais nous devons rester vigilants. La littérature a traversé les siècles, et elle continuera de le faire. »
Conclusion : la résilience de la littérature, un acte de foi en l’humanité
À travers ses romans, Jón Kalman Stefánsson nous rappelle que la littérature n’est pas seulement une manière de raconter des histoires, mais qu’elle est aussi un moyen de relier les générations, de résister aux épreuves du temps et d’apporter une lumière dans un monde parfois sombre. Ses œuvres, profondément ancrées dans les paysages islandais et les émotions humaines, témoignent d’une résilience propre à l’acte créatif.
Pour Stefánsson, écrire, c’est explorer le monde avec des yeux neufs, tout en puisant dans un héritage littéraire riche et universel.
Il nous laisse avec cette réflexion puissante : « Ce n’est qu’en lisant et en écrivant que nous enrichissons notre propre existence et que nous nous rapprochons des autres. »
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