Carole Martinez nous livre ici une réflexion intime sur le plaisir d’écrire, la magie des histoires et la manière dont elle a façonné son dernier roman « Dors ton sommeil de brute ». Entre improvisation et exploration des voix narratives, elle nous parle d’une pratique littéraire où la grammaire et l’émotion s’entremêlent pour créer une matière brute à sculpter. Plongez dans l’univers d’une autrice pour qui chaque roman est un voyage au long cours.
Le plaisir d’écrire : un abandon total
Carole Martinez entame son propos en soulignant l’importance primordiale du plaisir dans l’écriture. Pour elle, écrire, c’est avant tout s’abandonner.
Elle insiste sur cette idée d’un lâcher-prise, d’une exploration sans jugement : « Il faut oser s’abandonner. Quand on écrit, il faut y aller, pas juger. Écrire comme ça, et ça crée une matière », affirme-t-elle avec enthousiasme.
Cet abandon est au cœur de son processus créatif. C’est en s’autorisant à errer, à rêvasser, qu’elle trouve la matière pour ses histoires. « Dors ton sommeil de brute », son dernier roman, est né d’une multitude d’idées, d’images et de réflexions glanées au fil du temps, mais surtout d’une sensation de liberté narrative. Pour Martinez, il n’y a pas de chemin tracé d’avance : chaque roman est une aventure unique, avec ses propres défis et découvertes.
La grammaire : une alliée précieuse
Contrairement à ceux qui considèrent la grammaire comme une contrainte, Carole Martinez la perçoit comme un élément structurant de son écriture : « Ce qui m’a formée, bien sûr, c’est la grammaire, tout ça. C’était très important pour moi », confie-t-elle. La grammaire devient alors une manière de canaliser l’émotion brute en la structurant à travers les mots et les phrases.
Pour l’autrice, la maîtrise de la langue permet de créer un terrain de jeu sur lequel on peut s’amuser à déconstruire et reconstruire la réalité.
« C’est vraiment le plaisir d’écrire qui doit guider », dit-elle. Cette jouissance passe aussi par la relecture à voix haute, un exercice qu’elle recommande pour « voir comment ça vibre dans l’autre ». Elle incite les écrivains débutants à prêter attention aux détails du quotidien, aux sensations, et à développer leur propre filtre personnel.
Les histoires : une façon de vivre et de donner du sens
Carole Martinez se définit avant tout comme une raconteuse d’histoires. Elle puise son inspiration dans les récits des autres, les petits détails de la vie quotidienne.
« Les histoires des gens sont importantes. J’adore écouter les gens me raconter leur histoire », confie-t-elle. Pour elle, l’écriture est une manière de donner du sens à l’absurdité du monde, de « métamorphoser les choses pour avoir quelque chose de beau ».
Dans son dernier roman, « Dors ton sommeil de brute », elle s’est notamment inspirée du confinement, de l’épidémie et de ses propres insomnies pour tisser un récit à la fois intime et universel. « Très souvent, c’est tout ce qui me fait un peu peur que j’ai utilisé et transformé », explique-t-elle. L’écriture devient alors un moyen de dompter ses angoisses, de les « prendre dans un roman » et de les rendre accessibles.
L’improvisation et le travail des points de vue dans « Dors ton sommeil de brute »
Martinez nous révèle qu’elle n’a pas préparé « Dors ton sommeil de brute » de manière formelle. L’idée lui est venue lors du premier confinement, une période d’angoisse et de questionnement pour elle. Elle a improvisé, exploré, croisé des idées jusqu’à créer une histoire cohérente. « J’ai raconté l’histoire autour de moi, je ne l’ai pas écrite du tout, juste racontée », avant de se lancer dans l’écriture proprement dite lors du deuxième confinement.
Ce roman est également marqué par une exploration des différents points de vue narratifs.
Martinez aime « mettre les femmes au centre », mais cette fois-ci, elle a aussi donné voix à un personnage masculin, qu’elle décrit comme décentré, utilisant une narration à la deuxième personne du singulier. « Lui, il va avoir une pensée à la deuxième personne du singulier, ça va être « tu » », précise-t-elle. Le point de vue narratif devient alors un jeu, une manière d’enrichir le récit et de le rendre plus complexe.
Les conseils aux jeunes auteurs : s’amuser et ressentir
Lorsque vient le moment de donner des conseils aux auteurs en herbe, Carole Martinez insiste sur la notion d’amusement : « S’amuser, apprendre à écrire », dit-elle.
Elle encourage également à s’abandonner à l’écriture sans jugement, à « créer une matière » à partir de laquelle on peut ensuite travailler, modeler, et retravailler.
Elle suggère aussi de prêter une attention particulière aux sensations du quotidien. Selon elle, l’écriture commence par une capacité à observer et à ressentir : « C’est vraiment d’être sensible tout d’un coup à des choses auxquelles on n’est pas forcément sensibles, parce qu’on les fait de façon machinale ».
Les intelligences artificielles : une menace pour la sensibilité littéraire ?
Carole Martinez se montre méfiante à l’égard de l’émergence des intelligences artificielles dans le domaine de la création littéraire. « Moi, je trouve ça dramatique », lance-t-elle. Selon elle, l’écriture nécessite une expérience personnelle, un filtre intime, qui ne peut être remplacé par une machine. « C’est comme faire de la musique sans en faire vraiment », ajoute-t-elle, pointant du doigt la perte d’une expérience sensorielle et émotionnelle dans l’écriture automatisée.
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