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Editer en littérature Jeunesse : Agnès Guérin


Dans une interview exclusive, Agnès Guérin, éditrice chez Rageot, partage sa vision exigeante et passionnée de l’édition jeunesse, tout en offrant des conseils précieux aux jeunes auteurs. Pour elle, l’émotion, le suspense et l’originalité sont les clés pour être publié.

La littérature jeunesse est un domaine passionnant, mais exigeant. Pour une œuvre de qualité, il ne suffit pas d’avoir une bonne idée. Le processus d’édition, souvent méconnu, implique un travail de fond intense, aussi bien du côté de l’auteur que de l’éditeur. Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Agnès Guérin, éditrice spécialisée dans les thrillers et romans policiers pour adolescents chez Rageot, dans les collections « Heure Noire » et « Rageot Thriller ». Lors de cette rencontre, elle nous a dévoilé ses critères de sélection, ses attentes envers les manuscrits et ses réflexions sur l’évolution du secteur.

Tous les manuscrits sont retravaillés

Le premier point souligné par Agnès Guérin est un aspect fondamental de l’édition : aucun manuscrit n’est parfait dès la première version. « Tous les auteurs retravaillent leurs manuscrits, absolument tous. Que ce soit en jeunesse ou en littérature générale, un manuscrit dans sa première version n’est jamais parfait », explique-t-elle. En effet, le rôle de l’éditeur est d’accompagner l’auteur pour améliorer les points forts et combler les faiblesses de l’histoire. Cette collaboration auteur-éditeur est essentielle pour faire ressortir le meilleur de chaque œuvre.

Agnès Guérin insiste d’ailleurs sur le fait que cette relation n’est pas une confrontation, mais un travail de duo : « Je vois la relation auteur-éditeur comme une collaboration de longue durée, un duo qui se crée et qui évolue avec le temps. »

L’Originalité avant tout

En tant qu’éditrice, Agnès Guérin recherche avant tout l’originalité : « Le premier critère, c’est l’originalité de l’intrigue. Il faut que l’histoire pique notre curiosité, qu’elle nous tienne en haleine de bout en bout. » Cela peut sembler évident, mais dans un secteur où les récits policiers et les thrillers se multiplient, la capacité d’un manuscrit à se démarquer est primordiale.

Mais l’originalité ne repose pas uniquement sur l’intrigue. Les personnages doivent eux aussi être profonds et bien caractérisés. Agnès Guérin précise qu’un bon personnage ne doit pas forcément être « attachant », mais il doit être incarné, avec une psychologie unique : « Il ne s’agit pas d’avoir des stéréotypes, mais des personnages vraiment travaillés. On attend des protagonistes qui surprennent et marquent le lecteur. »


Des Intrigues Crédibles et Cohérentes

Toutefois, originalité ne rime pas avec chaos. Un manuscrit peut être refusé si l’intrigue manque de cohérence ou de crédibilité : « Une intrigue bourrée de défauts dans sa logique interne ne peut pas fonctionner, c’est rédhibitoire », confie Agnès Guérin. L’éditeur doit pouvoir suivre une histoire sans être dérangé par des incohérences chronologiques ou des failles dans le récit. Si certains détails peuvent être retravaillés avec l’auteur, comme des longueurs inutiles ou des personnages secondaires mal utilisés, une intrigue mal structurée est souvent un point de non-retour.

Émotion et Suspense : Les Maîtres Mots

Le suspense est au cœur de la littérature policière et du thriller, surtout en jeunesse. « On attend de ressentir une émotion, c’est un des critères les plus importants », insiste l’éditrice. Une bonne intrigue policière ne peut se contenter de suivre des indices mécaniquement. Elle doit prendre le lecteur aux tripes, le faire vibrer. Cette quête d’émotion est primordiale dans la sélection des manuscrits.

Agnès Guérin met également l’accent sur le style d’écriture : « L’écriture est essentielle pour créer une ambiance, un climat qui imprègne le lecteur. C’est vraiment une des clés pour embarquer le lecteur dans l’univers du roman. » Autrement dit, la forme est tout aussi importante que le fond.

Conseils aux Primo-Romanciers

Pour les auteurs débutants, Agnès Guérin prodigue un conseil simple, mais crucial : « Ayez des ambitions très fortes, voire démesurées, mais faites court. » Les jeunes auteurs ont parfois tendance à vouloir écrire des sagas épiques, mais il est souvent plus judicieux de commencer par un récit concis, bien structuré, avant de se lancer dans des projets plus vastes.

Elle encourage également les auteurs à être exigeants avec eux-mêmes : « Relisez-vous, soyez rigoureux avec vos textes, mais n’ayez pas peur de vous lancer. » En résumé, mieux vaut une intrigue courte mais maîtrisée qu’un roman long et mal ficelé.

L’Histoire au Cœur du Roman Jeunesse

Enfin, Agnès Guérin rappelle l’importance de raconter une histoire, particulièrement en littérature jeunesse. « L’histoire, c’est fondamental. On ne peut pas se contenter d’un pur exercice de style. Il faut que le récit donne des clés aux jeunes lecteurs pour comprendre ou interroger le monde. » Le roman jeunesse n’est pas qu’un divertissement ; c’est aussi une porte d’accès à la réflexion et un moyen pour les jeunes de se questionner sur leur environnement, tout en se divertissant.

L’Impact de l’Intelligence Artificielle sur l’Édition

Quant à l’avenir de l’édition face à l’intelligence artificielle, Agnès Guérin reste sceptique : « Je ne suis pas convaincue que l’IA puisse créer l’émotion nécessaire pour un bon roman policier. L’IA, c’est peut-être utile pour débloquer une intrigue ou apporter des solutions techniques, mais elle ne peut pas toucher aux émotions profondes, aux fantasmes et aux terreurs humaines. »

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