Abel Quentin est une figure montante de la littérature française contemporaine. Avocat pénaliste de formation, il s’est imposé sur la scène littéraire avec des romans qui interrogent notre société et ses dérives. Dans une interview exclusive accordée aux Artisans de la Fiction, Abel Quentin partage sa vision de l’écriture et livre ses conseils pour « faire le meilleur livre possible ».
L’essence de l’écriture : Rendre les lecteurs plus humains
Pour Abel Quentin, l’écriture est un moyen puissant de connecter les individus entre eux. Il affirme :
« Je pense que ça rend plus humain, plus intelligent de sortir de soi-même tout à coup, de pouvoir entrer dans la tête d’un personnage. »
Selon lui, la narration permet aux lecteurs d’adopter d’autres points de vue, d’élargir leur compréhension du monde et des autres :
« La fiction, c’est un entraînement à suivre des personnages qui ne sont pas nous, et d’adopter d’autres points de vue, tout simplement. »
Cette capacité à se mettre à la place de l’autre est essentielle pour éviter l’égoïsme et l’enfermement sur soi.
Les modèles littéraires : Entre tradition française et roman américain
Abel Quentin puise son inspiration dans la littérature française du XIXᵉ siècle et le roman américain moderne. Il évoque ses influences :
« Mes modèles narratifs seraient sans doute un mélange de littérature française du XIXᵉ. Les Maupassant, les Balzac, les Barbey d’Aurevilly, ces gens qui racontaient des histoires. »
Il apprécie également la générosité narrative du roman américain :
« Le roman américain étant lui-même l’héritier du roman français du XIXᵉ. Je parlerais plutôt de Roth, de Franzen, de ces gens qui font des histoires assez généreuses dans le nombre de personnages, dans le temps qui va être balayé par la narration. »
Cette combinaison d’influences lui permet de créer des œuvres riches et profondes, ancrées dans la tradition tout en étant résolument contemporaines.
Le processus d’écriture : Une quête sans recette fixe
Abel Quentin confie qu’il n’a pas encore trouvé une méthode d’écriture définitive :
« J’ai eu trois expériences différentes, trois romans et trois expériences différentes. Donc je suis encore à la recherche de la recette que je pourrais appliquer en me disant que ça marche. »
Il admire les auteurs qui ont établi une routine solide, comme Jean-Paul Dubois :
« Je suis très admiratif des gens qui l’ont trouvée. Je pense par exemple à un écrivain comme Jean-Paul Dubois. Il avait une façon de faire qu’il a appliquée maintenant à chacun de ses projets littéraires. »
Cependant, pour lui, chaque projet nécessite une approche unique, mêlant documentation et écriture de manière parfois chaotique :
« J’écris et je me documente, j’écris. Les deux processus, les deux phases sont assez mêlées et donc tout ça est assez bordélique, en réalité. »
L’importance de la réécriture
La réécriture occupe une place centrale dans le travail d’Abel Quentin :
« Je réécris énormément. Dans mon dernier livre, ‘Cabane’, assez peu de pages sont restées, qui sont publiées, qui correspondent à un premier jet. »
Il n’hésite pas à reprendre ses textes plusieurs fois pour atteindre le résultat souhaité :
« C’est plutôt un deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, voire le dixième jet où je réécris énormément. »
Cette rigueur témoigne de son engagement à produire le meilleur livre possible.
La structure narrative : Entre planification et flexibilité
Abel Quentin souligne que la structure de ses romans peut varier considérablement d’un projet à l’autre :
« Mon deuxième livre, je sais tout de suite où je vais et je m’y tiens dans l’écriture. J’ai très vite un personnage, je sais ce qui va lui arriver. »
Cependant, pour son dernier roman « Cabane », le processus a été plus complexe :
« Il a eu, je pense, cinq ou six fins alternatives. Il y a des personnages qui sont décédés, puis que j’ai ressuscités, puis qui sont morts à nouveau, puis que j’ai ressuscités à nouveau. »
Cette flexibilité lui permet d’explorer différentes pistes narratives jusqu’à trouver celle qui sert le mieux l’histoire.
L’harmonie du roman
Parfois, il est nécessaire de supprimer des passages auxquels on tient particulièrement pour préserver l’équilibre du récit :
« Vous vous apercevez qu’en fait, ils ne trouvent pas leur place dans l’économie générale du roman. Il faut les sacrifier alors que ce sont vos enfants préférés. »
Abel Quentin insiste sur l’importance de la composition et de la cohérence globale :
« Je suis très attaché à la composition et donc j’essaie de faire ce travail qui n’est pas facile de parfois sacrifier des choses en ayant toujours en tête l’effet général que vous produisez. »
La lecture comme source de formation
L’écriture d’Abel Quentin est fortement influencée par ses lectures :
« Je me suis formé en lisant tout simplement, je crois. La lecture est l’école la plus utile. »
Il souligne la différence entre lire en tant que lecteur et lire en tant qu’écrivain :
« Quand vous commencez à lire comme un écrivain, vous commencez à lire en regardant la fabrique des autres, en regardant les cuisines des autres, et sans doute ça vous imprègne. »
Cette approche analytique lui permet d’apprendre des maîtres tout en développant son propre style.
L’exigence envers soi-même
Pour Abel Quentin, la rigueur personnelle est essentielle pour créer une œuvre de qualité :
« Il faut être dur avec soi-même. Je crois qu’en écriture, il ne faut pas être complaisant avec soi-même, c’est-à-dire ne pas sanctuariser le premier jet comme quelque chose qui vient de vous et donc c’est forcément bien. »
Il encourage les écrivains à voir leur travail comme un processus évolutif nécessitant du temps et de la patience :
« Regarder son texte, peut-être le laisser reposer. Parfois ça peut aider. Être dur avec soi-même, mais être dur avec soi-même, ce n’est pas s’auto-flageller, c’est simplement essayer d’écrire le meilleur texte possible. »
Le lecteur au centre des préoccupations
Maintenir l’intérêt du lecteur est une priorité pour l’auteur :
« Pour moi, c’est très important ! En fait, je postule l’ennui du lecteur en permanence. C’est-à-dire je suis en train de me dire le lecteur, là, est en train de mourir d’ennui, littéralement. »
Cette préoccupation influence son écriture et son rythme narratif :
« C’est quelque chose comme une sorte d’aiguillon, cette façon de faire qui me force à être rythmé, j’espère, dans l’écriture et dans la narration, à vraiment poser la question du rythme, d’éviter les faux plats autant que possible. »
L’utilisation des tropes narratifs
Abel Quentin reconnaît utiliser certains mécanismes narratifs, parfois inconsciemment :
« Je pense qu’il y a des recettes, ce n’est pas forcément conscient, mais je m’en rends bien compte d’un livre à l’autre. »
Il apprécie particulièrement les ruptures narratives :
« J’aime bien les cliffhangers. J’aime bien qu’au milieu du livre, il y ait une rupture. Soit une rupture radicale dans le style, dans le point de vue, ou alors une découverte qui remet en cause tout ce que j’ai raconté au lecteur avant. »
Sur l’hybridation des genres, il déclare :
« J’aime bien l’hybridation quand c’est réussi. Par exemple, en ce moment, je suis en train de lire un chef-d’œuvre que je n’avais jamais lu, qui est ‘Moby Dick’ de Melville, et qui est un livre avec de l’hybridation, parce qu’il y a parfois des dialogues de théâtre qui s’intercalent dans la narration très classique. »
L’impact de l’intelligence artificielle sur la création littéraire
Abel Quentin exprime ses inquiétudes concernant l’intelligence artificielle :
« Je pense que l’intelligence artificielle est un problème pour la création littéraire à terme, c’est certain. Elle va commencer probablement à menacer une partie de la littérature. »
Cependant, il voit également une opportunité pour les auteurs de se démarquer :
« On peut la voir comme un aiguillon, c’est-à-dire que justement, forcer la littérature à être la moins stéréotypée possible, la plus originale, parce qu’elle ne pourra pas tenir la concurrence face à l’intelligence artificielle. »
Il souligne néanmoins la nécessité de ne pas négliger cette menace.
Conseils aux aspirants écrivains
Abel Quentin encourage les nouveaux auteurs à être exigeants avec eux-mêmes :
« Premier conseil, ça va être : être dur avec soi-même. Ne pas être complaisant avec soi-même. »
Il insiste sur l’importance du travail et de la persévérance :
« C’est du travail, et donc il faut, je crois, regarder son texte, peut-être le laisser reposer. Parfois ça peut aider. »
Enfin, il rappelle que l’écriture est un processus d’amélioration continue :
« Essayer d’écrire le meilleur texte possible avec ce qu’on a. »
Si, vous aussi, vous désirez maîtriser la construction narrative, nous vous recommandons les formations suivantes :