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Premier roman, mode d’emploi – Laure Pécher


« Les ateliers d’écriture formatent-ils les romanciers ? » Pour Laure Pécher, la réponse est nuancée : l’apprentissage des techniques doit émanciper, non imposer un carcan. Dans cette interview, elle révèle comment la structure narrative, loin de brider la créativité, peut offrir aux auteurs l’élan indispensable pour bâtir un récit captivant.

Construire un roman n’est ni un parcours de longue inspiration ni une simple question de style. Pour Laure Pécher, autrice de Premier roman, mode d’emploi, ancienne éditrice et cofondatrice de l’Agence littéraire Pierre Astier & Associés, le roman est un édifice complexe où se jouent la gestion d’un narrateur, la profondeur des personnages et une structure soigneusement réfléchie. Dans cette interview, elle revient sur les écueils qu’elle a observés chez des milliers d’apprentis romanciers, et propose des pistes concrètes pour bâtir un récit solide et captivant.

Les origines d’un manuel : du constat à la formation

« Les mêmes problèmes revenaient sans cesse dans les manuscrits. Ça m’a donné l’idée d’un atelier technique, puis d’un livre. »

Lorsque Laure Pécher était éditrice au Serpent à Plumes, elle passait ses journées à évaluer des manuscrits. Rapidement, elle s’est rendu compte que les auteurs commettaient les mêmes erreurs récurrentes : problèmes de voix narrative, personnages secondaires inexistants ou intrigue qui s’effondre après un début prometteur.
Plutôt que de se contenter d’un refus lapidaire, elle a voulu transmettre des solutions pratiques. Ainsi sont nés Les Ateliers du roman, puis son ouvrage Premier roman, mode d’emploi. Loin d’une simple formation stylistique, elle vise à outiller les auteurs sur des aspects narratifs concrets : comment construire son intrigue, organiser ses personnages, gérer l’information, etc.

Le principal écueil : la voix narrative

Pour Laure Pécher, « le pire des problèmes, c’est la voix narrative ». Qu’est-ce que la voix narrative ? C’est le ton, la posture, la personne (ou entité) qui raconte l’histoire. Un roman peut manquer de cohérence si le narrateur se confond avec l’auteur, ou si le point de vue choisi n’est pas maîtrisé.

« On voit souvent un auteur prendre la parole à la place de son narrateur, et là, ça sonne faux. »

Ce décalage peut suffire à décourager un éditeur après quelques pages seulement, d’où l’importance de choisir soigneusement son narrateur et de s’y tenir.
Personnages et structure : deux autres pierres angulaires

Un autre reproche fréquent tient à la construction des personnages. Laure Pécher insiste : « Sans personnages, il n’y a pas de roman. » Les auteurs ont parfois un personnage principal intéressant, mais délaissent totalement les personnages secondaires, créant ainsi un déséquilibre.

« Certains manuscrits ont un excellent début, mais tout s’effondre après la page 70. Le lecteur, ou l’éditeur, n’ira pas plus loin. »

Les auteurs qui misent tout sur l’écriture, ou sur une idée de départ, négligent parfois la cohérence d’ensemble. Or, un roman promet un chemin au lecteur : si la promesse se brise, le lecteur abandonne. Il faut donc penser l’intrigue, prévoir comment l’information sera délivrée, et maintenir l’intérêt sur la longueur.

Un atelier de roman pour éviter le « formatage » ?

Les formations d’écriture axées sur la narration suscitent parfois des craintes de standardisation. Laure Pécher reconnaît qu’une « volonté d’imiter la littérature anglo-saxonne » peut conduire à des romans formatés. Mais cette dérive existe avec ou sans atelier.

« Les Ateliers ne doivent pas imposer une seule manière d’écrire, mais fournir une boîte à outils. »

Chaque auteur doit explorer différents modes de narration (première personne, troisième, omniscient, etc.), différents imaginaires. L’important est de comprendre les principes de base : poser des « pierres de départ » solides, comme la cohérence des personnages et du narrateur, puis bâtir le style et la progression dramatique autour de ce socle.

Construire en amont pour éviter les incohérences

Dans ses ateliers, Laure Pécher insiste sur l’idée de préparation. Beaucoup d’auteurs écrivent trop tôt, alors que leur intrigue et leurs personnages ne sont pas encore mûrs. Résultat : ils s’attachent à des scènes qui n’ont plus lieu d’être quand le récit s’affine.

« Évitez de passer un mois sur un chapitre pour ensuite le supprimer. Posez d’abord un plan, même si vous êtes plutôt ‘intuitif’. »

Elle souligne qu’il existe « deux types d’auteurs » : ceux qui savent où ils veulent aller (mais ne savent pas comment) et ceux qui savent comment, mais pas où. Dans les deux cas, l’important est d’avoir un matériau préparatoire : un croquis, un synopsis, un ensemble de personnages déjà dessinés.

Trouver l’équilibre entre technique et culture

Pour Laure Pécher, la technique narrative puise dans différentes traditions : la tragédie grecque, la littérature du XIXe siècle, les modèles américains de creative writing. Elle-même, formée à l’étude des textes antiques, voit dans la dramaturgie grecque l’ancêtre direct des scénarios hollywoodiens.

« Les formations américaines n’ont pas inventé grand-chose, elles ont récupéré ce que la tragédie savait déjà. »

La clé, c’est de puiser dans ces différentes sources et de trouver sa propre voie, sans suivre aveuglément un « manuel unique » ni reproduire des schémas narratifs éculés.

Derniers conseils : lire dix fois le même roman

Pour progresser, Laure Pécher propose une méthode d’analyse inspirée du cinéma :

« Prenez un roman que vous admirez pour sa construction et relisez-le dix fois. Vous finirez par en comprendre l’architecture profonde. »

Comme lorsqu’on revoit un film plusieurs fois pour repérer les transitions et les indices, la relecture attentive d’un roman permet de saisir les rouages de la dramaturgie, l’importance des personnages secondaires, le rôle subtil du narrateur, etc.

Conclusion : bâtir son roman, c’est bâtir une promesse

Laure Pécher rappelle que « tout roman est une promesse au lecteur ». Pour qu’il accepte de vous suivre, vous devez maîtriser la voix narrative, élaborer des personnages consistants et structurer une intrigue solide. Les ateliers ou les livres de techniques narratives ne sont pas là pour restreindre votre imagination, mais pour vous aider à éviter des écueils et à clarifier votre vision. D’une voix calme, Laure Pécher répète aux aspirants auteurs : « Prenez le temps de construire, vous n’en serez que plus libres pour inventer. »

Si vous désirez maîtriser la construction narrative, nous vous recommandons nos formations suivantes :

 

 

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