« Les écrivains qui refusent de couper se moquent de leurs lecteurs » Depuis trop longtemps, on répète que “c’est joli, on garde.” Balivernes ! Dans un roman, laisser les digressions étouffer l’intrigue, c’est mépriser son public et saborder son récit. Christian Roux le martèle : “Si ce n’est pas essentiel, on coupe, point final.”
Couper pour aller à l’essentiel
Lorsqu’on souhaite écrire un roman, l’enthousiasme déborde souvent. On se met à décrire de longues scènes, à accumuler des détails, des digressions, des morceaux de dialogue qui nous séduisent. Pourtant, comme le rappelle Christian Roux, le meilleur moyen de donner de la force à son histoire est d’oser couper tout ce qui ne sert pas la progression dramatique ou la caractérisation essentielle des personnages.
Pourquoi est-ce si important ? Parce que le lecteur ou la lectrice, en ouvrant votre livre, veut de l’intensité narrative, pas un flot d’informations qui la noierait. « Si j’ai fait une page décrivant la météo juste pour mon plaisir, je me demande : est-ce que ça apporte quelque chose à l’histoire ou aux personnages ? Si la réponse est non, je vire », explique Christian Roux dans son interview. Cette logique d’“utilité” doit donc présider à chaque phrase.
« J’écris un premier jet qui part un peu dans tous les sens… puis je relis et je coupe, je coupe. Parce qu’il faut enlever tout ce qui n’est pas essentiel à mon propos. Même si c’est joli, je le supprime ! »
Faire la chasse aux redites et aux longueurs
Écrire, c’est parfois un élan qu’on ne veut pas brider. Mais lorsqu’arrive la phase de réécriture, la lucidité doit prendre le dessus. Christian Roux insiste : « Parfois, dans un premier jet, on répète des choses déjà dites. On s’en rend compte à la relecture, alors on coupe. »
- Les redites : Vous avez présenté un élément de contexte à la page 50, puis, à la page 90, vous le redis parce que vous aviez oublié. Réduire ces redites rend le texte plus fluide.
- Les longueurs : Les séquences descriptives ou explicatives doivent être rares et précises, ou bien elles alourdissent inutilement le rythme. Supprimer ou condenser les longueurs vous aidera à conserver la tension.
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Ne pas tout sacrifier aveuglément, mais doser
Bien sûr, le mot d’ordre “couper” a ses limites : on ne doit pas sabrer l’ambiance si elle est le cœur du projet. Le romancier précise que la rigueur ne veut pas dire austérité : « Je peux très bien mettre 10 pages d’ambiance… si ça fait progresser le personnage, si ça révèle quelque chose. Sinon, je retravaille pour alléger. »
Il s’agit donc d’avoir un filtre “ça sert l’histoire ?”. Servez-vous en pour trancher. C’est la base du “Sacrifier tout ce qui ne sert pas votre roman”.
Comment repérer ce qui doit être coupé ?
Rien de plus simple (et plus douloureux !) :
- Relire en se mettant à la place d’un lecteur : que ressent-on à ce stade du livre ? Ai-je vraiment besoin de ce passage pour comprendre ou apprécier la suite ?
- Observer le personnage : cette scène ou ce dialogue apporte-t-il un élément crucial à sa transformation, à son conflit, à sa profondeur psychologique ?
- Évaluer la dramaturgie : la tension narrative monte-t-elle ? Cette sous-intrigue a-t-elle un impact concret sur l’issue du roman ou la thématique principale ?
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Les bienfaits d’une écriture concentrée
En supprimant les paragraphes décoratifs ou trop distendus, vous renforcerez :
- La lisibilité : le lecteur ne se perd pas dans des méandres inutiles.
- L’efficacité dramatique : chaque scène devient un moteur de curiosité et d’émotion.
- La clarté thématique : le cœur de votre propos se voit mieux, non parasité par des ajouts superficiels.
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Christian Roux : l’importance de la réécriture
Dans le sillage des conseils de Christian Roux, la réécriture n’est pas une punition, mais une pratique de purification du texte. Il s’agit d’abandonner la complaisance, par respect pour le lecteur, et de condenser l’énergie narrative.
« Il y a des moments où je réécris énormément. Au niveau du style, je simplifie, parce que si on se laisse aller, on risque d’écrire pompeux. J’ai compris qu’on touche plus directement le lecteur en étant simple et précis. »
En fin de parcours, vous ne vous direz pas : « C’était dur de couper des pages entières. » Vous penserez : « J’ai désormais un roman net, incisif, qui va droit au but ! »
Conclusion
Couper n’est pas détruire, c’est révéler l’éclat d’une forme plus épurée. C’est un investissement : vous sacrifiez de belles tournures, peut-être des pages entières, pour que vos personnages respirent, que la tension dramatique se maintienne, et que votre propos atteigne le lecteur de plein fouet. Comme le dit Christian Roux, « ce n’est pas être méchant, c’est être lucide ». Le lecteur vous remerciera de cette lucidité, et votre roman vivra de toute sa force.
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