Adresse : 10 rue du chariot d’or, 69004 Lyon
Mail : contact@artisansdelafiction.com
Tél. : 04.78.29.82.07

 

Permanences téléphoniques et accueil :
les mercredis de 14h à 18h (hors vacances scolaires)

Nous suivre sur les réseaux
S’inscrire à notre newsletter

Christopher Priest – Les techniques d’écriture de la science-fiction


« Lire, relire, c’est le seul moyen de devenir écrivain »

interview Christopher Priest écrire de la science Fiction Les Artisans de la Fiction intergalactiques 2016 (8)

Les Artisans de la Fiction ont rencontré l’écrivain de SF anglais Christopher Priest,auteur de nombreux romans et recueils de nouvelles, associés à ce que l’on a appelé la new wave de la Science-Fiction britannique. Il a notamment écrit Le Prestige (Denoël, 2001), adapté au cinéma en 2006 par Christopher Nolan, avec Christian Bale et Hugh Jackman. Christopher Priest a été de nombreuses fois primé (Prix World Fantasy, Prix British Science Fiction, Prix Arthur C. Clarke…).

Les Artisans de la Fiction : Que pensez-vous de l’enseignement et de l’apprentissage des techniques d’écriture ?
Christopher Priest : Le point essentiel est que l’on ne peut pas enseigner l’écriture. Pourtant l’écriture s’apprend. Le problème n’est donc pas de savoir comment enseigner, mais comment montrer aux apprentis écrivains la manière d’apprendre.

Et pour moi la réponse est la lecture. Il faut lire beaucoup de livre, lire tout et n’importe quoi, les journaux, les publicités, Guy de Maupassant ! Lire, relire, c’est le seul moyen de devenir écrivain : lire et comprendre comment ce que l’on vient de lire fonctionne. Les écoles de techniques narratives peuvent aider à ça, guider les étudiants, leur donner des exercices.

Il y a donc une manière particulière de lire pour apprendre le fonctionnement des histoires. Vous-même, avez-vous appris en lisant, ou avez-vous suivi des cours ?
J’ai fait peu d’étude dans ma vie, je me suis principalement cultivé en lisant. Mais dans le cadre de l’apprentissage de l’écriture, il existe des exercices très formateurs. Je me souviens d’un cours que j’ai donné dans une université australienne : un des étudiants était doué mais ne comprenait pas la notion de point de vue. Il vivait dans une petite chambre universitaire, alors je lui ai demandé de décrire sa chambre du point de vue d’un de ses amis, puis de celui d’une fille, d’un enfant, d’une araignée sur le mur… Je lui ai fait refaire cette description, perçue à travers les yeux de différentes personnes, et il a finalement saisi la notion. Mais je ne lui ai donné qu’un exercice, c’est l’étudiant qui a compris par lui-même.

Lorsque vous entamez un projet d’écriture, est-ce que vous commencez par définir qui sont vos personnages, ou par définir ce qu’ils vont faire ?
Les personnages sont les éléments les plus importants lorsqu’on écrit, et ils sont ce qu’il y a de plus difficile à créer. Ce que j’ai l’habitude de faire, c’est de donner aux personnages un passé, une histoire personnelle, plutôt qu’une description. Si un écrivain homme doit décrire un personnage féminin, c’est technique et complexe, il risque de simplement dire qu’elle est belle et qu’elle a de longs cheveux, mais ça ne donne aucune information !

Ce que l’auteur doit faire, c’est savoir comment un personnage réagira dans une situation donnée. Si le personnage est témoin d’un accident de voiture dans la rue, il va s’écrier “mais qu’est-ce que je dois faire ?” C’est cette réponse que je veux donner au personnage en lui créant un background. Ainsi les choses sont cohérentes pour moi, et j’espère qu’elles le sont pour le lecteur. Ce n’est pas de la science, c’est de l’art, et c’est difficile.

Et qu’est-ce que vous créez en premier : les personnages ou l’univers narratif ?
 Je crée les deux ensemble, ce sont des éléments organiques selon moi. Je me souviens qu’il y a quelques années, j’ai lu le manuscrit d’un jeune auteur : le premier chapitre faisait la description d’un vaisseau spatial. Et ça racontait : “Il ouvrit la porte et alla par là, il regarda le réacteur nucléaire, des diodes clignotaient. Il alla par ici et regarda les servo-machines, les relais commutaient…” Et c’était comme ça page après page. J’ai dit à l’auteur : “Mais c’est vraiment ennuyant ! Je ne comprends pas toutes ces choses, quel est leur intérêt ? Ton personnage est le capitaine de ce vaisseau, il voit ces trucs tous les jours et ne devrait plus y prêter attention. Imagine l’environnement au travers des yeux de ton capitaine : s’il fait anormalement chaud, ou si une diode ne clignote pas, qu’il y a truc de cassé, là ton personnage devrait le remarquer.” Je pense que c’est ce type de détails qui donne vie à un environnement. Quand je crée un personnage, je crée le décor qui l’entoure à partir de ce que le personnage en perçoit.

Artisans de la Fiction : Il y a donc naturellement un lien fort entre les personnages et l’environnement. Et comment créez-vous du lien entre l’environnement et l’intrigue ?
Haha ! Pourquoi vous me posez des questions si difficiles ? Ce qu’il faut écrire, c’est ce qui est nécessaire pour le personnage dans la situation où il se trouve. L’intrigue, elle, est invisible, bien que toujours présente. Tout ce qui arrive dans le récit doit être directement ou indirectement lié à l’intrigue (et l’indirect est tout aussi important que le direct). Si vous racontez l’histoire d’un homme qui prend un pistolet et tire sur quelqu’un, ça n’intéressera personne. Mais si vous racontez que l’homme prend un pistolet qui ne fonctionne pas, ou qui n’est pas chargé, ou encore que l’autre personne s’enfuie, alors vous racontez une autre histoire, plus intéressante, et vous avez une intrigue.

interview Christopher Priest écrire de la science Fiction Les Artisans de la Fiction intergalactiques 2016 (17)

Une dernière question, vous avez écrit plusieurs novélisations (*). Etais-ce  un bon exercice d’écriture, ou vous n’avez fait ça que pour gagner un peu d’argent ?
J’ai fait ça pour l’argent ! Haha, il faut dire que de mon point de vue, partagé par la plupart des auteurs, écrire une adaptation est assez facile. On vous donne l’histoire et les personnages, vous n’avez qu’à vous mettre au travail. C’est plus rapide que d’écrire un roman, et vous gagnez plus d’argent qu’avec vos propres livres !

Mais il y a une difficulté : on commence le travail à partir du scénario. Si je prends l’exemple du sexe, la plupart du temps le scénario se contente de dire “le garçon et la fille vont au lit et couchent ensemble”. Mais on ne sait pas à quoi ça ressemblera à l’écran. Est-ce que ça va être du porno, ou des images beaucoup plus chastes ? Est-ce que ça sera montré de manière suggestive, ou est-ce que ça sera de l’amour tendre ? On n’en sait rien. C’est difficile car le réalisateur aura un regard particulier sur la scène. Autre exemple, les courses-poursuites ne sont jamais détaillées dans le script. C’est juste marqué : “le détective rentre dans sa voiture et poursuit le bandit”. C’est tout ce qu’on a ! Et dans le film ça sera une scène d’action de 10 minutes trépidante !

(*) Christopher Priest a adapté entre autre en roman les films eXitenZ, Mona Lisa, Short circuit.

———————–

Interview réalisée par Lionel Tran & Loïc Mauran. Transcription & Traduction : Loïc Mauran.

Merci aux Intergalactiques de nous avoir permis de réaliser cette interview.

Pour en savoir plus :

Festival des Intergalactiques : http://www.intergalactiques.net

Site officiel (en anglais) : http://www.christopher-priest.co.uk/

Fiche Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Christopher_Priest_(%C3%A9crivain)

Aller à la barre d’outils