« C’est l’outil dont je rêvais ! » Tout romancier ou apprenti romancier se penchant sérieusement sur les techniques de la narration littéraire aura le même réflexe en découvrant « The emotion thesaurus / Le thesaurus des émotions ». Que propose « The emotion thesaurus » ? Un dictionnaire des émotions, détaillant les sensations corporelles et les manifestations physiques correspondantes. Ce qui permet aux romanciers d’être plus spécifiques dans la mise en scène de leurs personnages.
Comment vous-êtes vous formée au creative writing ?
Angela Ackerman : Je me suis principalement formée moi-même. J’ai toujours eu une passion pour l’écriture et j’ai d’abord pensé me tourner vers le journalisme. Donc j’ai pris quelques cours de creative writing et d’anglais à l’université, avec pour objectif de renforcer ma pratique de la langue.
Puis je suis tombée enceinte, j’ai eu des enfants très jeune donc je n’ai pas terminé mes études. Quand mes enfants ont eu cinq et six ans, je me suis mise à leur lire des livres. En les lisant je me suis dit “Tiens, ça n’a pas l’air bien compliqué d’écrire des livres pour enfants” et donc j’ai décidé de me remettre à l’écriture… Et c’est là que j’ai réalisé à quel point c’est dur d’écrire, c’est beaucoup plus dur qu’on ne le pense ! L’histoire est bien connue : on écrit une histoire, on s’imagine qu’on a un petit talent, et puis on demande à son entourage de la lire, on reçoit des critiques, on se pose des questions, et là on réalise tout ce qu’on va devoir apprendre pour être capable d’écrire quelque chose de valable.
Donc voilà, à part ces quelques cours à l’Université, je me suis auto-formée à 100%. C’est tout à fait possible de s’auto-former comme auteur maintenant. Il y a tellement de livres de techniques d’écriture – même s’ils sont difficiles d’accès pour vous en France – et il y a tellement de blogs, de webinars, de cours en ligne. Je connais beaucoup d’auteurs à succès qui ont bénéficié de ces outils.!
J’ai aussi bénéficié d’un groupe de travail en ligne qui s’appelle “The Critic circle”. C’est un groupe d’auteurs anglophones qui viennent de partout dans le monde, qui partagent leurs textes et se critiquent entre eux. A cette époque on essayait tous d’apprendre à écrire des romans et de se former à la technique.
C’était incroyablement utile pour moi : parce que les personnes qui lisaient mon travail ne me connaissaient pas et donc elles avaient une lecture qui était tout à fait différente de la mienne. Ils relevaient des aspects que moi je n’aurais jamais relevés. Et c’est aussi très utile de lire le travail des autres : il y a des choses que nous sommes incapables de percevoir dans notre propre travail et que nous percevons tout de suite dans le texte d’un autre.
Et c’est aussi dans ce groupe que j’ai rencontré ma partenaire professionnelle et co-autrice des thésaurus, Becca Puglisi.
Pourquoi avez-vous choisi d’écrire des livres de technique plutôt que des romans ?
Nous n’avons pas tellement choisi en fait. Becca et moi essayions d’écrire de la fiction, nous relisions mutuellement nos textes et nous buttions vraiment sur les questions techniques. Nous avons décidé de prendre une année où nous ne ferions rien qu’étudier les livres d’écriture créative : plus d’écriture de fiction, uniquement de la lecture et des exercices de creative writing.
Nous lisions les mêmes livres de technique et nous en parlions ensemble pour être sûres que nous avions bien compris ce qui y était enseigné !
Notre plus gros problème c’était l’expression des émotions : nous avions réalisé que nos personnages se comportaient tous de la même manière. Nous écrivions toutes les deux pour des adolescents et franchement nos personnages ne faisaient pas grand chose d’autre que d’hausser les épaules ou de rouler les yeux. Donc on a commencé à prendre beaucoup de notes sur l’expression des émotions !
Au début des années 2000, si vous vouliez percer comme auteur, vous vous deviez d’avoir une plateforme, un site internet, pour se faire connaitre, rencontrer des agents, faire des rencontres professionnelles. Donc on s’est dit qu’on allait partager toutes nos recherches et tout le savoir que nous accumulions sur un blog.
Toutes les semaines, je crois que c’était tous les samedis, on publiait une liste de vocabulaire sur une émotion différente : la peur, l’anxiété, la joie etc. Et il se trouve qu’on a rencontré un vrai succès rapidement. Beaucoup de gens, d’auteurs, se posaient les mêmes questions que nous. Nos lecteurs ont commencé à nous suggérer des thèmes, des émotions à traiter. On le prenait en compte et la semaine d’après on publiait un post sur ce sujet là !
Une fois qu’on a couvert une très large gamme d’émotions, on s’est tourné vers les lieux, les décors. Parce que les auteurs ont tendance à se limiter et à n’écrire que sur des paysages, des lieux, des décors qu’ils connaissent déjà.
Puis on a continué comme ça et aujourd’hui nous avons 15 thésaurus différents. Ils ne sont pas tous publiés sous forme de livre parce que certains sujets ne s’y prêtent pas, parce qu’ils sont trop courts par exemple.
Donc on n’a jamais vraiment choisi cette voie : on a juste choisi de faire une pause dans l’écriture de fiction pendant un an, on est parties sur ce projet et il a très bien marché. On aimerait toutes les deux se remettre à la fiction mais pour l’instant on se concentre sur ce projet. Et pour le faire bien on est obligé d’y accorder tout notre temps.
Comment organisez-vous vos recherches ? Vous lisez beaucoup de livres de psychologie ? Vous interviewer des professionnels ?
Chaque livre demande un énorme travail de recherche, mais certains encore plus que d’autres. Ça dépend vraiment du sujet. Notre propos est très lié à la psychologie. Becca et moi sommes naturellement intéressées par la psychologie, mais nous ne sommes pas diplômées et nous ne sommes pas psychologues. Donc on fait des recherches sur internet, on lit des livres.
Les livres sur le langage corporel sont particulièrement intéressants pour nous. Il y en a un qui s’appelle Body Language et qui est davantage écrit pour les entreprises mais nous l’utilisons beaucoup, ainsi que le site internet ChangingMinds.org.
Ce que nous cherchons à comprendre c’est pourquoi un être humain agit de la manière dont il agit, comment cela s’exprime en terme d’émotions et de réactions corporelles et enfin qu’est-ce que ça lui coûte d’agir de cette manière.
Pour ça, l’outil le plus incroyable reste la théorie de Maslow sur la hiérarchie des besoins. Abraham Maslow était un scientifique qui travaillait sur le comportement humain. Il a défini les cinq types de besoins humains essentiels : si un être humain n’arrive pas à satisfaire l’un ou l’autre de ces besoins, cela va influencer tout son comportement.
Par exemple, si je manque mon déjeuner, ce n’est pas un gros problème, je vais bien. Si je manque mon déjeuner et mon diner, je vais être un peu tendue mais je vais aller bien quand même. Si, par contre, je suis privée de nourriture pendant une semaine, je ferai n’importe quoi pour en trouver. Je n’aurai pas peur de me mettre dans des situations embarrassantes, je chercherai dans des poubelles, je me mettrai à voler, ou je mangerai des produits périmés. C’est le besoin de nourriture qui a modifié mon comportement et même mes valeurs.
Pour le thesaurus sur les émotions, nous avons beaucoup étudié le comportement des gens autour de nous. Nous avons avons regardé des vidéos Youtube pour voir comment les gens réagissent lorsqu’ils sont confrontés à telle ou telle situation : qu’est ce qui changent dans leurs corps, dans leurs comportements… L’idée c’est de pouvoir ensuite injecter tout ça dans les personnages de fiction.
On a tout un tas d’outil dans notre boîte pour la description et c’est génial de faire des recherches dessus. Utiliser ces outils aident vraiment à élargir son imagination et essayer plus de choses avec son écriture, étoffer ses personnages, leurs ouvrir de nouvelles directions. Et surtout ça aide à créer des personnages qui ne se ressemblent pas tous, ou à se répéter encore et encore.
Combien de temps cela vous prend pour créer un thesaurus, de la conception de l’idée au livre terminé ?
Je dirais un an. Mais certain livres sont plus difficiles à écrire que d’autres. Par exemple le livre sur les décors était un gros morceau, on a dû écrire deux tomes.
Becca et moi avons essayé de visiter tous les décors présents dans le livre. Et il y en a environ 250. Donc ça implique de beaucoup de voyages qu’on a étoffé avec des recherches sur internet et dans des livres parce qu’il y a des endroits dans lesquels il n’est pas possible de se rendre facilement, comme un hôpital psychiatrique par exemple. On ne peut pas se pointer en disant qu’on est juste là pour regarder.
Pour l’hôpital psychiatrique j’ai notamment regardé une vidéo Youtube d’un patient qui avait filmé son environnement. C’est rigolo, on voit qu’il est assez inquiet par l’idée de se faire prendre parce que je ne pense pas qu’il était autorisé à faire ça. Et c’était hyper intéressant à regarder. Par exemple la douche : on peut s’imaginer que ça ressemble à une douche d’un hôpital normal mais en réalité non. Il n’y a pas de rideau, le pommeau est complètement intégré au mur, tout est fait pour éviter que les patients se pendent. Des petits détails auxquels je n’aurais jamais pensé si je n’avais pas regardé cette vidéo.
Parfois l’écriture de certains thesaurus sont difficiles pour d’autres raisons. Celui sur les blessures émotionnelles était de loin le plus compliqué à rédiger pour nous. Par exemple le chapitre sur les abus sur les enfants… il a fallu parler avec des gens, lire des témoignages sur leurs expériences, comment ça a impacté sur leur vie, les peurs qu’ils ont. Et tu ne peux pas passer ta journée à lire des témoignages comme ça, au bout d’un moment tu es obligé de prendre une vraie pause. Donc je faisais des recherches pendant quelques heures par jour et ensuite il fallait que je fasse quelque chose de complètement différent, comme cuisiner des cookies pour ma famille. Pour me sortir de l’ambiance, sinon c’était trop dur.
On a conduit aussi quelques interviews, uniquement avec des personnes dont on savait qu’elles avaient traversé quelques chose de spécial et qu’elles étaient d’accord pour en parler. Par exemple il y a cette auteure qui a subi beaucoup de violence durant son enfant et qui est très transparente à ce sujet sur son blog, donc on l’a contactée pour en discuter avec elle et c’était tout à fait naturel.
Vous travaillez comme coach d’écriture. Qui sont vos clients et quelles sont leurs demandes ?
L’idée c’est d’aider le plus d’auteurs possibles tout en ayant un usage économique de notre temps. Donc on ne fait pas de coaching individuel, on se considère comme des coachs parce que nous enseignons beaucoup ! Je voyage beaucoup à l’étranger, je fais des conférences. Becca a des enfants jeunes donc elle voyage moins mais on fait aussi des conférences sur internet, des webinars.
Nos conférences se concentrent principalement sur le principe du “show don’t tell” (montrer plutôt que dire). Beaucoup d’auteurs pensent que ça se limite à ne pas utiliser la grammaire passive et écrire des descriptions évocatrices, mais le “show don’t tell” c’est bien plus que ça. Ça concerne tous les aspects de votre histoire et tout ce dont vous pouvez en retirer. Si vous voulez décrire un personnage, vous pouvez vous arrêter à son apparence physique et le lecteur aura une petite idée de qui il est. Mais si vous allez plus loin dans le détail, si vous décrivez la façon dont le personnage s’habille, dont il bouge, tout ça peut dire énormément sur qui il est, son passé, son éducation, son job, sa personnalité, l’état d’esprit dans lequel il est à ce moment précis.
Avec les décors c’est pareil. Je ne vais pas seulement décrire un lieu. Mais je vais décrire un lieu d’une manière précise qui va donner des informations à mon lecteur : je veux choisir le lieu parfait pour symboliser les motivations de mon personnage. Ou alors je peux aussi décrire un lieu dans lequel un certain type de conflit va nécessairement se créer. Créer des complications. Ou peut être utiliser le décors pour symboliser un moment charnière dans une vie.
Beaucoup d’auteurs ont peur de la description parce qu’ils pensent que ça va leur prendre trop de temps ou trop d’espace dans leurs romans. La réalité c’est que pour décrire une émotion, une image très forte vaut mieux que six images faibles. Si vous êtes clair avec le but de la scène, si vous savez ce que le personnage veut mais aussi ce que vous (en tant qu’auteur) voulez que la scène exprime de votre personnage ça vous aidera à savoir quels éléments vous devez décrire.
Prenez un personnage à qui on offre une super opportunité professionnelle, on lui offre le job de ses rêves. Mais cela veut dire qu’il va devoir voyager 250 jours par an alors qu’il vient de rencontrer quelqu’un avec qui il veut vivre et peut-être faire des enfants. Vous pouvez choisir de l’envoyer réfléchir dans un parc. Et dans ce parc il peut y avoir deux types de personnages : une famille qui a l’air heureuse, qui fait un pique-nique pendant que le père joue avec les enfants. Ou alors il y a un employé du même bureau, au téléphone, super bien habillé, super concentré, autoritaire.
La présence de ces deux types de personnages-décors permet de souligner le conflit qui s’instaure dans l’esprit du personnage. Et tout ça d’une manière très efficace. L’idée ce n’est pas de tout décrire mais de décrire ce qui est le plus important par rapport à votre personnage, ce qui va donner un maximum d’informations sur lui.
Pourquoi avez-vous choisi d’auto-publier vos thésaurus plutôt que de passer par une maison d’édition pré-existante ?
Quand on a commencé les thesaurus on espérait se faire remarquer par des maisons d’édition. On a discuté avec un agent, qui nous a dit : “Créez un site internet”. Donc on a fait ça. Un jour on a reçu un email d’une association pour nous demander de faire un atelier sur l’expression des émotions. Ils possédaient tout un document PDF avec le contenu de notre site. On a alors réalisé que si quelqu’un voulait récupérer tout notre contenu et le distribuer à notre place, c’était tout à fait possible. On s’est aussi dit qu’on n’avait pas le temps de passer par le long processus des maisons d’édition, qu’il fallait qu’on fasse notre livre tout de suite. Donc on l’a fait.
Rapidement nous avons été approchées par un éditeur. Mais à cette époque on ne voyait pas quel était notre avantage à passer par une maison d’édition. Nos livres se vendaient bien sur Amazon, on trouvait nos lecteurs facilement. Donc qu’est-ce qu’ils pouvaient nous donner qu’on n’avait pas déjà, sans faire un grand sacrifice en terme de revenu ?
Donc on a publié les livres nous-mêmes. C’est quand les livres sont devenus populaires et qu’on a commencé à en vendre à l’étranger : là on s’est senti dépassées et on a décidé d’avoir un agent, au moins pour les droits de publications étrangers qu’on ne connaissait pas.
Sur votre site internet vous avez beaucoup d’outils très visuels. Vous pensez qu’une carte, un tableau, sont plus efficaces pédagogiquement qu’un livre ou qu’un cours ?
Je ne sais pas si c’est plus efficace mais ce que je sais c’est que beaucoup de gens tentent de faire des résumés de ce qu’ils apprennent dans les livres de creative writing. Et les cartes, les tableaux, ça aide à résumer. Mais certaines personnes peuvent s’en tenir aux listes et ça leur va parfaitement.
Le problème avec l’écriture et avec l’apprentissage de l’écriture c’est que plus tu apprends, plus tu réalises à quel point tu ne sais rien. C’est terrifiant et paralysant. Je connais des gens qui arrêtent d’écrire à cause de ça. A cause de cette peur. Mais je connais d’autres gens qui continuent tout de même, malgré l’angoisse.
Ecrire c’est très compliqué, il y a tellement de choses qu’un auteur doit connaitre et penser. Et tout ça, ça ne prend pas en compte l’aspect marketing du travail: comprendre comment fonctionne l’industrie de l’édition, créer un site internet, trouver un agent, un éditeur, se faire connaitre, faire connaitre son livre.
Donc mon rôle c’est de prendre en charge l’aspect technique, cet aspect très complexe à lui seul, et le diviser en des tâches moins impressionnantes et plus facile à aborder.
Quelle serait la définition d’un bon livre, selon vous ?
Un livre dans lequel je peux totalement comprendre le point de vue du personnage. Dans lequel je peux me reconnaître. Si je vois le personnage principal traverser des épreuves qui sont similaires aux miennes… un livre dans lequel je peux m’identifier au personnage principal et à sa quête. Voir un personnage se débattre avec le monde réel. Je veux le voir réussir.
C’est à ça que ressemble une vie humaine : nous essayons tous d’évoluer dans le bon sens, de nous en sortir, d’aller quelque part.
Quels sont les livres qu’un jeune auteur doit lire pour améliorer ses techniques d’écriture ?
Je lis beaucoup de livres pour enfants et adolescents, mais si je devais choisir quelque chose pour les adultes je dirais The Eye of the World de Robert Jordan, qui fait partie de la série The Wheel of time. Ses personnages sont profonds et tellement intéressants. Il y a aussi beaucoup de personnages féminins très forts. Mais je dois vous prévenir que c’est le genre de série où le moindre personnage devient un personnage principal. Et parce que chaque personnage est riche psychologiquement, il devient le héros d’un des livres de la série. C’est infini !
Une autre série serait Daughter of smoke and bone de Laini Taylor pour comprendre la tension, les conflits dans la littérature et leurs intérêts pour faire avancer une histoire.
Pour moi ce sont des classiques.
Quels sont les livres de creative writing que vous conseilleriez ?
Self editing for fiction writers par Renny Browne et Dave King. C’est vraiment un outil merveilleux, non pas pour apprendre à écrire un roman mais pour apprendre à se relire et se corriger. Comprendre à quoi sert une relecture et comment en tirer le meilleur profit.
Il y aussi Description de Monica Wood. Il m’a vraiment aidé pour comprendre comment fonctionnent les descriptions, à quoi elles servent et comment bien les utiliser.
The Breakout Novelist: Craft and Strategies for Career Fiction Writers de Donald Maass. Très bon pour saisir la subtilité de la tension narrative dans l’écriture d’une histoire.
Je recommande aussi tous les livres de Katie Weiland. Notamment ceux sur la structure et sur l’arc narratif. Dans le même genre il y a aussi Save the cat de Blake Snyder ou Writing Screenplays That Sell de Michael Hauge. Il m’a fait réaliser l’importance de la connaissance des blessures émotionnelles et m’a donné l’idée du thésaurus. Ces dernières références sont particulièrement pertinentes pour comprendre les mécanismes intérieurs d’un personnage, comprendre son évolution à travers l’histoire.
Mais en réalité on peut apprendre aussi des choses très intéressantes en lisant des livres sur l’écriture de scénario ou en analysant la façon dont les films que l’on aime sont structurés.
Quelle est la perception du Creative Writing au Canada ?
Très proche de la version américaine. Le marché américain est très large, bien plus large que le marché canadien. Les auteurs canadiens se tournent d’ailleurs majoritairement vers les maisons d’édition américaines.
Par opposition, les maisons d’édition canadiennes se concentrent bien souvent uniquement sur les auteurs canadiens. Ce qui est très chouette parce que la compétition est moins rude mais souvent ça contraint l’auteur : l’histoire doit se passer au Canada ou doit être connectée au Canada, des choses comme ça. Si votre livre ne parle pas du Canada, il vaut mieux se tourner vers les maisons américaines.
Ce qui est très spécifique au marché nord-américain c’est le succès des e-books. Je ne sais pas comme c’est en France mais ici il y en a des millions qui sont publiés chaque année. Donc l’idée que ça génère c’est que tout le monde peut publier un livre. Et donc, comme ça semble facile, beaucoup de gens publient leur roman sans avoir pris le temps de se poser la question de la technique, sans se confronter à la question de savoir “Qu’est-ce que c’est un bon roman ?”. Et du coup leurs romans ne fonctionnent pas, ils ne trouvent pas leurs lecteurs.
Quel serait votre conseil pour l’auteur d’un premier roman ?
Prenez votre temps. Je sais que vous voyez vos amis publier des livres ou obtenir des contrats avec des agents et que vous vous dîtes “Oh mon dieu, je me laisse aller, pourquoi je ne suis pas comme eux ?”… mais je conseillerais de vous calmer. Votre but ce n’est pas de publier à tout prix. C’est d’écrire un livre qui sera aimé par vos lecteurs. Donc prenez votre temps, travaillez votre technique. Et lorsque vous aurez terminé votre livre, ce sera un très bon livre. Ne vous concentrez pas sur le court terme. Pensez au long terme.
Je sais que c’est dur. Les gens qui écrivent ont souvent des problèmes de confiance en eux. Et c’est bien souvent alimenté par l’industrie de l’édition en elle-même : dans 99% du temps, ce que vous recevez de l’industrie à laquelle vous voulez appartenir est une réaction de rejet. “Non, ce livre ne rentre pas dans notre ligne éditoriale”, “Non, on va publier un livre sur un sujet similaire très bientôt” etc. Et la façon dont nous le comprenons c’est “Non, ce n’est pas bon, ce que vous faites ne convient pas”. C’est comme ça qu’on internalise ces remarques. Avec le temps, vous apprenez à gérer ces refus, mais quand vous commencez c’est très dur. C’est très frustrant et ça fait beaucoup de mal à votre confiance en vous.
Votre but ce n’est pas de publier à tout prix. C’est d’écrire un livre qui sera aimé par vos lecteurs. Donc prenez votre temps, travaillez votre technique. [/quote]Donc n’essayez pas d’accélérer le processus, parce que vous augmentez vos chances de vous confrontez aux refus et ça ne va pas vous faire du bien. Je conseillerais de prendre votre temps, d’écrire un livre magnifique qui sera lu par un éditeur et qui vous dira “Mon dieu, je veux publier tout ce que vous écrivez”. Prenez votre temps, soyez sérieux, et ça va finir par payer.
Pour commander (en anglais), les Thesaurus co-écrits par Angela Ackerman, le plus simple est de se connecter à leurs sites d’aide aux écrivains (très denses en outils, mais payants):