De nombreuses angoisses pèsent sur qui veut écrire. L’une des plus répandues est de devoir bien écrire. Bien écrire tout de suite, dès le premier jet. Nous voyons encore trop souvent nos élèves se décourager car leur premier essai est décevant. Alors qu’il n’y a rien de plus normal lorsqu’il s’agit d’écrire. Pierre Lemaitre va plus loin encore : l’écriture n’existe pas.
La littérature pour apprendre l’écriture
Le 6 février 2020, la librairie Vivement Dimanche recevait Pierre Lemaitre, romancier et auteur de « Au revoir là-haut » (prix Goncourt 2013) à l’occasion de la sortie de son dernier roman : « Miroir de nos peines».
Les Artisans de la Fiction ont sauté sur cette occasion inespérée de questionner l’écrivain sur son travail d’écriture et son apprentissage de la narration. Dans cette interview il partage avec nous la vision de son travail et notamment l’importance de la réécriture.
Pierre Lemaitre ne s’est pas formé à la narration littéraire. Comme de nombreux auteurs français, il n’a pas eu accès à des cours de creative writing. Il n’a également jamais participé à des ateliers d’écriture. En revanche, il considère la littérature comme un véritable professeur dans son parcours. Si vous essayez d’écrire bien, vous allez en faire trop.
Car avant d’écrire, Pierre Lemaitre formait des bibliothécaires. Pendant vingt ans il a organisé des séminaires dans le domaine de la littérature française et américaine. Il a passé énormément de temps à désosser un grand nombre d’œuvres avant d’écrire à son tour. De fait, à l’écriture de son premier roman il disposait de nombreuses techniques narratives. C’est en étudiant la littérature et les outils de la narration qu’il a appris à les maîtriser.
Pourquoi l’écriture n’existe pas : c’est de la réécriture
Bien que cela puisse paraître étrange, pour Lemaitre l’écriture n’existe pas. Selon lui, le processus d’écriture est un processus de réécriture. Je ne pouvais pas écrire ma seconde phrase tant que la première n’était pas nickel à mes yeux. Lorsque l’on écrit, nous sommes toujours en train de réécrire, de remodeler les mots. Il faut dix-huit mois à Pierre Lemaitre pour écrire un livre. Six sont consacrés aux recherches. Deux seulement à l’écriture du premier jet. Les dix mois restants sont dédiés à la réécriture.
La réécriture permet de se défaire des « effets de manche » et de l’ego d’auteur qui transparaît presque toujours dans le premier jet. Pour Pierre Lemaitre c’est l’occasion de rendre l’écriture la plus fluide possible pour le lecteur. Il explique à quel point son travail d’auteur a changé quand il a réalisé qu’il était absolument nécessaire de se défaire du fantasme du premier jet dans cette interview exclusive.
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