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Les recherches pour la préparation d’un roman – Quais du Polar


Tous les apprentis écrivains savent que pour écrire une histoire crédible, il faut connaitre son sujet et donc… faire des recherches ! Mais qu’entend-on par “faire des recherches pour la préparation de son roman” ?  Eplucher wikipédia ?  Lire tous les romans écrits dans le même registre que celui que l’on vise ? Avaler des piles de documentation ? Conduire des interviews ? Vivre en immersion dans un milieu que l’on ne connaît pas ? Six auteurs de polars, romans noirs, et thriller psychologiques nous parlent du travail de recherche qu’ils réalisent.

Certains grands romanciers, comme John Irving, avouent être davantage passionnés par les recherches préliminaires plus que par le processus d’écriture même. Ce travail peut durer des années car il s’agit de connaître son sujet et être crédible. Mais quel degré de recherche faut-il effectuer ?

Des recherches massives et exhaustives 

La romancière islandaise Yrsa Sigurðardóttir prépare au maximum ses romans.

Yrsa Sigurðardóttir : Oui, je prépare beaucoup. Je réfléchis et j’essaye de faire toutes mes recherches avant de commencer à rédiger. Mais quand je me mets à rédiger je me rends compte qu’il me manque des éléments et en général je dois à nouveau faire des recherches même pendant la phase de rédaction.

La romancière écossaise Val McDermid a été journaliste avant de devenir romancière. La recherche préparatoire pour un roman fait partie de ses habitudes. Mieux, elle dispose déjà  de matériel avant même de penser à une idée

Val McDermid : Certaines fois je connais déjà presque tout ce que je dois savoir quand je commence. D’autres fois, j’ai besoin d’aller rencontrer des gens, de lire. Pour Skeleton road, qui se déroule en lien avec les guerres de Yougoslavie des années 1990, j’ai beaucoup lu, notamment des journaux. Je connais des scientifiques en sciences criminelle, qui peuvent m’aider, quand j’ai une idée. Donc parfois je vais les voir et je leur dis « Voila l’affaire que j’aimerai. Dites-moi si ça fonctionne… » Et ils me répondent : « oui, ça marche, ou : non, ça ne fonctionne pas, mais tu peux faire différemment. »

L’auteure française de polar historiques Viviane Moore fait partie des écrivains passionnés de recherche. Pour elle c’est un travail qui se s’arrête jamais.

 « si un sujet m’intéresse, je vais aller creuser »

Viviane Moore : Si je prends l’exemple de La trilogie Celte, je me suis aperçue que c’était des recherches que j’avais faites quand j’étais adolescente. Je travaille en continu sur énormément de thèmes qui m’intéressent. Je suis d’un naturel curieux, et à un moment donné, il y a quelque chose qui prend le pas sur le reste. Le principe est d’avoir une grande ouverture par rapport aux sujets. Je récolte de la matière première sans trier tout de suite. Par contre, lorsque j’ai décidé de quelque chose, si j’ai un sujet qui m’intéresse, là, je vais aller creuser. J’essaye de ne pas avoir d’idées préconçues sur ce que je cherche, mais sur ce que je vais trouver.

Le romancier américain A.J. Finn est l’auteur du best seller “La femme à la fenêtre”, adapté au cinéma. Son roman raconte l’histoire d’une femme agoraphobe témoin d’un meurtre depuis la fenêtre de sa maison. Quel travail de recherche a-t-il effectué pour ce roman ?

A.J. Finn : J’ai moi-même lutté contre l’agoraphobie plus jeune, mais je voulais avoir la garantie d’être suffisamment précis dans le livre. Donc j’ai consulté des psychiatres. Je me suis entretenu avec des personnes qui souffraient d’agoraphobie, j’ai aussi effectué des recherches en ligne.

« l’expérience humaine c’est ce dont vous avez besoin pour écrire un roman »

Le romancier américain Craig Johnson, auteur de la saga Longmire (adaptée en série télé sur Netflix), se définit comme un conteur. Pour lui, la recherche ne peut se cantonner à la lecture d’articles et des livres : il faut surtout rencontrer des personnes, des témoins, des spécialistes et parler avec eux.

Craig Johnson : Vous pouvez réaliser toutes sortes de recherches à partir de livres, de vidéos, ou de documentaires, mais rien n’est aussi précieux que la parole.
L’interview est le matériau de base, vous y faites des découvertes importantes. Tous les livres, toutes les vidéos, les documentaires ne vous disent rien de l’expérience sensitive. Quand vous discutez avec quelqu’un, cela vous donne une autre dimension, celle du ressenti de l’expérience humaine, et c’est justement de cela dont vous avez besoin pour écrire un roman.

La romancière Viviane Moore a besoin de connaître physiquement le cadre de ses romans.

Viviane Moore : c’est beaucoup de recherches livresques, de bouquins universitaires, bouquins d’historiens, mais j’ai toujours un travail physique aussi. J’ai besoin d’un aspect physique, d’un rapport physique à l’environnement. J’ai des cahiers de travail. Des cahiers précis, livre par livre.

La romancière française Marion Brunet, elle,  fonctionne simplement en prenant des notes. 

Marion Brunet : Oui, avant de me mettre à écrire, je prends des notes, j’essaye d’avoir un chemin de fer, en sachant qu’il peut, évidemment, y avoir des choses qui bougent. La fin peut complètement changer par exemple. Ça émerge surtout avec les personnages et les scènes. Je prends pas mal de notes avant de démarrer. Et ça peut m’arriver de tout bouleverser au fur et à mesure.

Capitaliser sur ses connaissances 

Pour écrire un roman il est fondamental de bien connaître ce dont on va parler. Où l’intrigue se déroule et qui sont les personnages qui vont vivre l’histoire. Les recherches en amont de l’écriture demandent du temps. Mais n’existe-t-il pas d’autres moyens d’être vraisemblable sans passer par des années de recherches dédiées à la préparation d’un roman ?
Un nombre incroyable d’auteurs de polars ont été journalistes, policiers, travailleurs sociaux (comme l’écrivain Dennis Lehane, par exemple). Ils peuvent donc puiser des idées et des informations précieuses directement dans leurs expériences professionnelles et leurs contacts !

D’autres se passionnent depuis années pour les sciences criminelles, comme Shari Lapena.

Shari Lapena : Je m’y connais un peu en sciences criminelles, ce qui m’évite de faire de faire beaucoup de recherches, sauf sur certains points. Pour mon livre, Le Couple d’à côté, par exemple, je savais que la protagoniste souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique donc j’ai dû lire à propos de ce sujet.
Au début je ne savais pas grand-chose sur ce personnage, à part qu’elle était déprimée et qu’elle laisserait son bébé à la maison tout en allant dehors, donc j’ai commencé à faire un peu de recherches. Mais, typiquement, je fais des recherches tout en écrivant. Et j’insère ce que je trouve.

La romancière australienne Jane Harper, fait partie de ces auteurs de polar journalistes. Elle nous explique comment ses connaissances acquises dans le cadre professionnel l’ont aidées pour rendre son roman vraisemblable. 

« Je me suis inspirée des histoires que j’avais couvertes en tant que journaliste »

Jane Harper  : J’ai commencé par l’idée d’un meurtre dans une petite bourgade qui souffrait d’une canicule qui touchait tous les habitants et créait beaucoup de tensions. A partir de là j’ai ajouté les personnages, leurs relations, et plus j’écrivais plus je trouvais de nouvelles idées. Je me suis notamment inspirée de différentes histoires que j’avais couvertes en tant que journaliste. Des conversations, des choses que j’avais lues ou que des personnes m’avaient dites quand je les interviewais… Certains de ces éléments n’étaient pas forcément liés à mon histoire, mais ils m’inspiraient, et je les adaptais.

Le cadre de mon roman est  un mélange : la ville est fictive, mais une bonne partie des problèmes et des personnages que l’on y trouve sont communs à de nombreuses petites villes de la campagne australiennes, et même du monde entier. Ces villes où les gens se connaissent et s’influencent tous… On y trouve beaucoup de tensions, beaucoup de pressions sociales, les relations de voisinage y sont intéressantes.

Le romancier américain Todd Robinson fait partie de ces auteurs ayant exercé mille petits métier avant d’écrire. Il ancre ses histoires en s’inspirant du bar où il  travaille.

« Il suffisait de tendre l’oreille, de garder les yeux ouverts… »

Todd Robinson : Mes histoires, je les connaissais déjà. Certains auteurs de polar font des recherches très poussées, ils connaissent des flics, ils ont un réseau d’informateurs. Moi, j’avais juste à me rendre au travail ! En termes d’univers narratif, tout était là. Il suffisait de tendre l’oreille, de garder les yeux ouverts, de boire un ou deux whiskys et d’écrire le livre. Il y a des parties de mes livres qui sont des histoires vraies, mais qui ont été rejetées par des éditeurs parce qu’ils les jugeaient peu crédibles.

Tous les écrivains que nous avons questionné, soulignent l’importance capitale des recherches pour la préparation de son roman. Certains auteurs ont poussé cet art de façon impressionnante, comme Umberto Eco, ou J.R.R. Tolkien (qui a passé 40 ans à construire la langue et l’histoire de ses personnages, mais il était linguiste et professeur de mythologie). D’autres romanciers n’ont pas fait de recherches du tout, et se sont servis de leur expérience.


En amont des recherches pour la préparation de son roman, il est essentiel d’identifier quels sont ses territoires d’écriture. Nous conseillons à nos élèves de se pencher sur leurs champs d’expérience, sur leur connaissances (acquises au cours de leur formation, ou de leur vie) et d’explorer ce qui pourraient nourrir leurs histoires.

Si cet article vous a intéressé, nous vous conseillons de visionner la rencontre très dense avec la romancière et professeur d’écriture américaine Cynthia Bond, où elle parle du danger de se perdre dans trop de recherche
Lire les interviews complètes d’Yrsa Sigurðardótti, Árni Þórarinsson, Shari Lapena, A.J. Finn, Marion Brunet, Craig Johnson, Todd Robinson, Jane Harper, Ian Manook, Val Mc Dermid et Marin Ledun

Merci à toute l’équipe de Quais du Polar pour ces interviews .

Quais du Polar

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