« Lisez autant que vous pouvez ! »
A.J. Finn, pseudonyme de Daniel Mallory, a écrit pour de nombreuses publications, dont le Los Angeles Times, le Washington Post et le Times Literary Supplement (Royaume-Uni). Originaire de New York, Finn a vécu en Angleterre pendant dix ans en tant qu’éditeur de livres avant de retourner à New York. Son premier roman, le thriller « La femme à la fenêtre » est un best seller international, qui s’inscrit dans le sillage de « La fille du train » de Paula Hawkins.
A.J.Finn, comment avez-vous organisé l’écriture de votre premier roman, « La femme à la fenêtre » ?
À l’époque où je préparais mon premier roman, je travaillais dans une maison d’édition (au sein du groupe Harper & Collins). Pour écrire, je devais me dégager du temps la nuit et le week-end. Ça m’a pris un an. Ensuite, avant de développer quoi que soit d’autre, j’ai préparé une ébauche d’environ 7500 mots. Dans sa version finale, le livre fait 90 000 mots, donc il s’agissait d’une ébauche plutôt détaillée. J’ai envoyé cette ébauche à un agent littéraire, et je lui ai demandé si elle pensait que je pouvais poursuivre le projet. Elle m’a dit oui, j’ai donc passé les douze mois suivants à écrire.
Comment vous êtes-vous formé à la narration littéraire ?
Je n’ai pas reçu de formation d’écriture à proprement parler.(Il réfléchit) Quand j’étais à l’université, j’ai lu le livre de Stephen King consacré à l’écriture (en français « Écriture, mémoires d’un métier »), et c’était très instructif. Mais à l’époque je n’aspirais pas à écrire de la fiction. Ce n’est venu qu’il y a trois ans environ, donc non, je n’ai pas reçu de formation d’écriture à proprement parler.
Est-ce que le fait de ne pas avoir suivi de master de Creative Writing vous a manqué ?
J’aurais bien aimé suivre le genre de cours de creative writing qui sont proposés aujourd’hui.
Est-ce que la temporalité du roman était difficile à gérer dans « La femme à la fenêtre » ?
Le temps est en effet un élément central dans le livre. Le roman se situe dans une maison isolée que les personnages ne quittent quasiment jamais. Mettre beaucoup d’action entre quatre murs d’une maison relevait vraiment du défi.
Avez-vous dû effectuer beaucoup de recherches pour « La femme à la fenêtre » ?
Oui, j’en ai fait. Par exemple, mon personnage principal est une femme atteinte d’agoraphobie, elle n’arrive pas à sortir de sa maison. J’ai moi-même lutté contre l’agoraphobie plus jeune, mais je voulais avoir la garantie d’être suffisamment précis dans le livre. J’ai donc consulté des psychiatres, je me suis entretenu avec des personnes qui souffraient d’agoraphobie, et j’ai aussi effectué des recherches en ligne.
Parlons du cadre narratif… Vous êtes-vous inspiré d’une maison existante pour la résidence de la protagoniste de « La femme à la fenêtre » ?
Oui, en effet. Un ami de la famille possède une très grande maison à Manhattan, un véritable hôtel particulier sur cinq niveaux, et je m’en suis servi pour imaginer la maison où se situe l’action du roman.
Avez-vous eu besoin de prendre des photos, de la revisiter ?
Oui, j’ai eu besoin de la visiter à nouveau. Mais je n’ai pas eu besoin de prendre de photo, parce que je l’avais clairement à l’esprit.
Parlons du point de vue… Comment avez-vous abordé l’écriture du point de vue de votre protagoniste, qui est une femme ?
C’est une excellente question. Contrairement à ce qu’on s’imagine, écrire du point de vue d’une femme n’est pas si difficile. Ma position est la suivante : quel que soit le personnage que je crée, homme ou femme, ce personnage est imaginaire. Je ne sais pas comment « pense » une femme, mais je ne sais pas plus comment pensent d’autres hommes que moi. Ce que je sais, c’est comment moi je pense. Je crois donc qu’il est exagéré de trop chercher une distinction entre la façon de penser d’une fille ou d’un garçon, du moins pour ce qui concerne le travail d’écrivain.
Pour vous, quel a été le point le plus difficile, techniquement, dans l’écriture de « La femme à la fenêtre » ?
Contrairement à ce à quoi je m’attendais, les dialogues ne m’ont pas posé de difficultés. Le plus difficile pour moi, c’est l’action. Écrire l’action, est très difficile. Faire simplement se déplacer un personnage du canapé à la fenêtre, sans que cela soit ennuyeux, ça peut vraiment être un casse-tête. C’est vraiment très difficile.
Avez-vous bénéficié de l’aide de quelqu’un pour vous lire et faire des retours sur le manuscrit ?
J’ai mes deux agents littéraires aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Ce sont toutes les deux des femmes, elles pouvaient me dire si la voix de mon personnage féminin était convaincante.
Avez écrit des choses avant ce 1er roman ?
Je n’ai rien écrit auparavant, pas de nouvelles, pas de poèmes. Mais ce qui m’a aidé à écrire ce livre, c’est d’en avoir lu beaucoup, en tant qu’éditeur et en tant qu’étudiant.
Je lis sans cesse, et c’est le conseil que je donne à n’importe quel écrivain : lisez autant que vous pouvez.
Mais alors si vous n’avez pas écrit de nouvelles ni de poèmes auparavant, quelle était votre pratique de l’écriture ?
J’ai pratiqué l’écriture à l’université, mais aussi quand j’étais éditeur, notamment beaucoup de présentations de livres. Cela m’a été très utile.
C’est également bénéfique de lire les livres qu’on aurait aimé écrire. C’est une façon de les intégrer. Par exemple pour l’écriture de mon livre, j’ai lu Gone Girl de Gillian Flynn en étudiant ses aspects techniques afin de me les approprier.
Avez-vous eu besoin de remanier la structure de « La femme à la fenêtre » ?
Oui, beaucoup. Je l’ai remanié pour moi, et pour personne d’autre. Les premiers chapitres ont changé, je les ai réarrangés plusieurs fois. C’est vraiment important que le premier chapitre soit accrocheur, qu’il soit une base solide.
Avez-vous procédé à beaucoup de réécritures ?
Non, je n’ai pas procédé à beaucoup de réécritures, à la fin je ne disposais plus du temps nécessaire, et puis j’avais déjà un autre projet de livre.
En tant qu’ancien éditeur, quels seraient vos conseils aux auteurs envoyant leur manuscrit ? Quels sont les principaux écueils à éviter ?
J’encourage l’auteur qui veut faire publier son manuscrit à en venir rapidement au fait. La plupart des éditeurs n’ont pas le temps de lire tout ce qu’ils reçoivent. Ils lisent les trente ou cinquante premières pages d’un manuscrit avant de décider s’ils continuent ou pas leur lecture. J’encourage l’auteur qui veut faire publier son manuscrit à en venir rapidement au fait. Aussi vite que possible. Quand vous soumettez votre roman à un éditeur, vous êtes supposé y joindre une lettre qui décrit brièvement votre livre. Cette lettre doit être courte et percutante, un peu comme ces présentations que j’avais à écrire pour les livres que je publiais.
Quels seraient vos conseils à des apprentis romanciers ?
Je donnerais trois conseils. Le premier, c’est : lisez autant que vous pouvez. Le second, c’est : gardez à l’esprit qu’écrire un roman n’est pas toujours une partie de plaisir. En réalité, ça ne l’est pas souvent, parce que c’est un travail. Mais le plus important : ne soyez pas trop dur avec vous-même. C’est un travail difficile, alors si ça ne fonctionne pas du premier coup, ne vous flagellez pas, vous allez finir par y arriver.
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Remerciements : Laura Combet, Gabriel, de la Librairie Vivement Dimanche
Interview : Lionel Tran
Traduction : Jean Nicolas Monier