La lecture vit peut-être son grand retour. Une fois que l’on a fait le tour des chaînes d’infos et des plateformes de streaming que faire à part se tourner vers sa bibliothèque ? Alors pour vous aider à choisir votre prochaine lecture, voici la liste des 10 livres à NE PAS LIRE lorsqu’on est confiné.
Pourquoi lire des livres ? Parce que c’est le meilleur moyen de s’évader et de vivre des choses en dehors du monde réel. C’est aussi très efficace pour développer son empathie (en se mettant dans la peau de personnages différents de nous).
Mais certains livres sont des prisons, manipulez cette liste avec précaution !
10 livres à ne pas lire en confinement
1 — La Geôle (1971) d’Hubert Selby jr
Les romans et nouvelles de l’écrivain américain Hubert Selby jr (qui a scénarisé « Requiem for a dream », d’après son roman « Retour à Brooklyn ») sont connus pour mettre en scène l’enfermement psychique de leur protagoniste (un personnage systématiquement nommé « Harry »). En comparaison de « La Geôle », ces récits pourraient presque passer pour une promenade au parc un jour de printemps. Pourquoi ?
La Geôle nous raconte l’histoire d’Harry. Enfermé dans une cellule minuscule il fait les 100 pas en ressassant ses désirs de vengeance sadique à l’égard de ceux qui l’ont enfermé. Fantasmant sur la star qu’il deviendra à l’issue de son procès, et en se lamentant sur ses traumatismes d’enfant.
Et cela pendant 288 pages. Le tout porté par l’écriture torturée de Selby, donne un livre qui file la nausée !
- Conseil : réservez-vous sa lecture pour plus tard (bien plus tard).
2 – Jessie (1992) de Stephen King
Je cite souvent Jessie de Stephen King (adapté l’année dernière sur Netflix, c’est pour ça que ce titre vous évoque peut-être quelque chose), à mes élèves comme exemple abouti d’une histoire mêlant unité de temps, d’action, et de lieu. L’histoire est celle d’une femme que son mari menotte au lit de leur chalet d’été le premier jour de la saison morte.
Le mari y voit un jeu érotique, mais Jessie n’a pas envie ce jour-là et le repousse. Par malchance, il tombe et se fracasse la tête. Jessie se retrouve coincée avec pour seule perspective : mourir de soif, de faim, où…
- Une bonne lecture démangeaison, pour gratter là où ça oppresse. Et une fois la lecture finie, vous pouvez voir l’adaptation, pour comparer.
3 –La route (2006) de CormacMccarthy
La route présente deux avantages.
1 — tout le monde ou presque l’a dans sa bibliothèque.
2— La route ne se déroule pas dans un espace confiné, mais sur une route nationale qui sillonne les États Unis.
Les deux personnages principaux passent l’intégralité du livre dans la nature. Mais cette nature est celle d’un monde post apocalyptique, hanté par des dangers (cannibalisme, faim, etc.). L’écriture est sèche, réaliste. Pour couronner le tout, les deux personnages ne sont jamais nommés tout au long du roman (hormis par un laconique « l’homme », « le garçon »), ce qui amplifie la sensation de désespoir du lecteur.
Ce n’est pas « La route » qui va vous booster le moral, mais par contre il vous permettra peut-être d’apprécier d’être enfermé en sécurité chez vous
- Le roman à lire le soir à vos enfants si vous ne voulez plus jamais qu’ils ferment les yeux. Vous pouvez aussi prévoir une soirée familiale devant l’adaptation qui en a été faite (idée activité ludique en famille : chercher les différences entre le roman et le film)
4 – La montagne magique (1924), de Thomas Mann
Ce classique de Thomas Mann retraduit en 2017 par Claire de Oliveira nous entraîne dans le sillage de Hans Castorp. Un jeune homme rend visite à un ami dans un sanatorium. Seulement curieux au premier abord, le protagoniste se laisse peu à peu ensevelir par la torpeur de la maladie et des rituels médicaux. Il se confine dans cet hôtel-hôpital d’où il émergera au bout de 750 pages pour être précipité dans la folie de la première guerre mondiale.
- Une lecture langoureuse et introspective, qui vous donnera la sensation de vous laisser bercer par l’air de la montagne tout en espérant tomber malade afin de ne plus jamais revenir dans la « vie normale ».
5— Le dernier homme (2003), de Margaret Atwood
L’autrice de « La servante écarlate » nous propose une trilogie dépeignant notre monde dans un futur proche, dévasté par une catastrophe écologique. Au programme : des conditions climatiques aberrantes, manipulations génétiques et virus foudroyant ayant éliminé l’ensemble de l’humanité. L’écriture poétique d’Atwood, la divulgation très progressive de la situation nous plongent dans une sorte de caisson d’isolation sensoriel, ou tout nous parvient assourdi et incompréhensible.
- Une trilogie idéale pour comater dans un état semi-fiévreux, sans savoir ce qui est vrai et ce qui est halluciné.
6 –La faim (1895) de Knut Hamsun.
Publié en Norvège en 1895, le chef d’œuvre de Knut Hamsun (prix Nobel de littérature), nous enferme avec son héros écrivain galérien, dans une mansarde où il agonise tiraillé par la faim et le sentiment de son échec. L’écriture est d’une modernité invraisemblable. Et le film Danois, en N&B qui en a été tiré en 1966, est une très belle adaptation, qui en plus de traduire la trame du roman, en restitue l’écriture.
- Si la question de l’autoconfinement (social, économique et psychique) vous terrifie, épargnez-vous cette lecture inoubliable.
7— La femme des sables, d’Abe Kobo
Abe Kobo (1924-1997) a été le Kafka japonais. Ses deux recueils de nouvelles, « Mort anonyme » et « Les murs », sont deux bijoux de naturalisme surréaliste angoissant.
Son roman « La femme des sables » (1962) est son chef d’œuvre. L’intrigue : un salaryman collectionneur de papillons s’endort sur une plage lors d’une excursion. À son réveil il est conduit au fond d’une dune à l’aide d’une échelle, chez une femme, afin d’y passer la nuit. Mais le lendemain matin il n’y a plus d’échelle. C’est en capturant des touristes que le village lutte contre la désertification des campagnes. Il passera la quasi-intégralité du roman à tenter de s’évader tandis que « sa » femme s’escrime à abattre les tâches quotidiennes, dont le pelletage du sable qui s’effondre chaque jour inexorablement.
- Une lecture estivale, qui ensevelit progressivement son lecteur. Et vous pouvez doubler la dose en regardant l’adaptation magnifique réalisée par Hiroshi Teshigahara en 1964. Pour encore plus de plaisir sachez qu’il existe une version longue de 3 h 30.
8 – Dragon Head (1995-2000), de Minetarō Mochizuki
Un manga en 10 tomes au milieu d’une liste de romans ? Oui, car une bonne histoire, c’est une bonne histoire.
Ce récit d’horreur apocalyptique commence par un voyage scolaire à bord du train à grande vitesse japonais. Mais au bout de quelques pages, c’est l’accident. Les rares protagonistes survivants se réveillent au milieu d’un tunnel éboulé, dans le noir. Ils vont devoir affronter la folie, la faim et la perversité, avant de pouvoir revoir le jour, où les attend une compilation des pires catastrophes (tsunami, accident nucléaire, violence urbaine, secte apocalyptique, etc.).
Avec une mention spéciale pour le chapitre ou les protagonistes descendent en hélicoptère dans le gouffre qui remplace Tokyo. 20 pages intégralement noires parsemées de dialogues du style « quand allons-nous toucher le fond ? »
- Vous vous régalerez si vous imaginez que le confinement actuel n’est que le début des réjouissances. L’adaptation en film est à éviter, par contre.
9 – Maison hantée (1963), de Shirley Jackson
Cité par Stephen King comme le roman d’horreur absolu, « Maison hantée » a été adapté au cinéma par Robert Wise sous le titre « la maison du diable », puis récemment sur Netflix sous le titre « The Haunting of Hill House ». « Maison hantée » nous invite à participer, avec sa protagoniste naïve, à une expérience parapsychologique scrutée par des scientifiques décidés à prouver que les fantômes existent. Mais petit à petit, ils vont succomber à la fameuse maison hantée, qui n’est autre que la manifestation des déséquilibres de l’héroïne.
- À éviter si votre plus grande peur de l’isolation c’est… vous-même.
10 – Le fléau (1978 + 1990) de Stephen King
Un des romans les plus cités en ce moment. Difficile, en effet, de ne pas penser en regardant les informations au Fléau de Stephen King. L’intrigue : « Une pandémie de grippe créée en laboratoire se répand à travers les États-Unis et détruit la plus grande partie de la population. Les survivants se scindent en deux camps aux buts diamétralement opposés. Ainsi ils reproduisent la lutte éternelle du Bien contre le Mal. ».
Outre le récit implacable de l’incompétence et du déni humain face à la progression d’une épidémie, Le Fléau présente un objet d’étude narrative fascinant. Après le succès initial du livre à sa sortie, Stephen King en a publié une version presque trois fois plus longue en 1990. À l’époque, son éditeur avait refusé de publier un roman aussi long d’un jeune auteur. La comparaison entre les deux versions souligne ce qui est souvent perdu dans les adaptations audiovisuelles des romans de King : la profondeur de ses personnages et de leurs dynamiques intérieures.
- Le Fléau a de quoi vous occuper pendant une semaine, tout en devançant l’actualité. Si vous êtes d’un naturel angoissé, c’est certainement l’un des pires livres à lire pendant le confinement.
En faisant vivre le pire à leurs protagonistes les romanciers nous permettent de l’expérimenter sans prendre de risques. En confrontant les personnages à ce qu’il y a de plus difficile dans la nature humaine, la littérature nous permet de relativiser ce que nous vivons et de nous ouvrir à ce que vivent aussi les autres.
Lisez, immergez-vous, submergez-vous, évadez-vous, reconstruisez-vous. Au bout du compte, dans ces romans, la nature humaine finit toujours par survivre et souvent par se transformer.
D’autres lectures pendant le confinement ?
Si cette liste ne vous inspire pas (ou que vous préférez suivre nos précieux conseils et garder ces dix romans pour plus tard) vous pouvez vous tourner vers :
- notre chaîne Youtube, la générosité et la chaleur de Pierre Lemaître vous mettront un peu de baume au cœur.
- un tout autre registre n’hésitez pas à vous évader dans l’écriture Fantastique d’Ellen Kushner.
- la personnalité dynamique et haute en couleur de la romancière et professeur d’écriture Elisabeth Vonarburg
Avec toutes nos salutations à la Librairie Vivement Dimanche en ces temps difficiles