Quels sont les pièges à éviter lorsque l’on se lance dans l’écriture ? Comment se motiver pour aller au bout de l’écriture d’un premier roman ? Faut-il éviter de lire pour ne pas se laisser influencer ? Faut-il attendre de maîtriser les techniques de la narration littéraire avant de se lancer dans l’écriture ? Faut il ne tenir compte d’aucun avis parce que les gens sont jaloux et qu’ils veulent nous empêcher de réussir ? 10 auteurs de polars, romans noirs et de thrillers psychologiques donnent leurs conseils aux jeunes auteurs.
Ne pas se décourager et persévérer
Contrairement à ce qu’on s’imagine, les romanciers et romancières sont généreux en conseils aux jeunes auteurs. Pourquoi ? Parce qu’eux-mêmes se sont battus contre le découragement et la recherche d’une recette magique qui n’existe pas. Aujourd’hui devenus mentors, après être passés par toutes les étapes difficile de l’écriture, ils ont des conseils à vous donner. Alors lisez-les !
Aller au bout
L’uns des problèmes les plus courant, c’est le découragement et la tentation d’abandonner l’écriture de son roman en cours de route. Combien d’entre nous l’ont fait ? Et le pire c’est que cet abandon peut souvent être porté par l’illusion que ce n’était pas le bon livre à écrire. Les idées d’autres livres, encore plus grandioses, suffit à nous convaincre de laisser tomber la proie pour l’ombre.
Mais parfois l’apprenti romancier abandonne car il ne sait pas le travail que représente l’écriture d’un roman, et, constatant que son premier jet n’est pas à la hauteur, il se dit “c’est nul”. C’est ignorer qu’un roman n’est pas écrit en un seul jet, ni même deux, mais souvent jusqu’à une dizaine.
Aller jusqu’au bout d’un projet de livre est fondamental. Certes, il y a peu de chances qu’il s’agisse d’un bon livre, voir d’un roman publiable, mais vous apprendrez tellement en cours de route, que cela vous permettra de mieux réussir la tentative suivante.
Les conseils aux jeunes auteurs de la romancière islandaise Yrsa Sigurðardóttir sont double : s’accrocher tout d’abord, et apprendre à réparer son roman !
Ne pas baisser pas les bras
Yrsa Sigurðardóttir : Ne baissez pas les bras ! Beaucoup de jeunes auteurs commencent un roman et s’arrêtent au milieu du travail parce qu’ils pensent qu’ils sont mauvais ou que c’est trop dur. Alors je conseille de ne pas abandonner. Reprenez votre travail, relisez-le, trouvez les faiblesses. De nos jours, avec l’ordinateur, on peut reprendre ses textes facilement et c’est très pratique. Je dirais aussi que c’est normal d’avoir des phases où on se sent moins bien par rapport à son travail. D’un jour à l’autre on peut trouver que son travail est brillant puis médiocre. C’est normal, c’est une sorte de montagne russe. Soyez-en conscient.
La romancière écossaise Val McDermid conseille la même chose en appuyant sur le travail requis par un roman pour qu’il soit aboutit :
Val McDermid : Mon conseil serait d’aller au bout. N’essayez pas d’écrire le premier chapitre parfait. N’écrivez pas de premier chapitre parfait. Terminez le truc. Et là vous pourrez l’améliorer. Beaucoup de gens pensent que si le début n’est pas bon, ils ne peuvent pas avancer. Terminez le livre. Et améliorez-le.
Terminer un jet complet
La romancière australienne Jane Harper insiste, elle aussi, sur l’importance de terminer une première version de son roman.
Jane Harper : Le plus important est d’aller jusqu’au bout. Il faut essayer de terminer un jet complet. Même s’il est court, même s’il ne correspond pas à nos attentes. Même si on ne le trouve pas très bon. Sans quoi on risque de passer dix ans sur un roman sans jamais le terminer. Pour moi la meilleure façon d’accomplir ceci est, dans un premier temps, de ne pas se soucier du nombre de mots ou de la qualité d’écriture. Mais juste de s’asseoir chaque jour et d’écrire une scène ou un chapitre avec une action qui fait avancer l’histoire. Pensez à ce que vous essayez de dire dans ce chapitre, et aux raisons pour lesquelles il figure dans l’histoire. Quand on arrive à la fin du premier jet, c’est un tel soulagement qu’on est heureux de retourner au début et d’écrire le second.
Ne pas se flageller
Le romancier américain A.J.Finn, auteur du best seller “La femme à la fenêtre”, conseil de se préparer et …de ne pas se décourager.
A.J. Finn : Je donnerais trois conseils. Le premier, c’est : lisez autant que vous pouvez. Le second, c’est : gardez à l’esprit qu’écrire un roman n’est pas toujours une partie de plaisir. En réalité, ça ne l’est pas souvent, parce que c’est un travail.
Mais le plus important : ne soyez pas trop dur avec vous-même. C’est un travail difficile, alors si ça ne fonctionne pas du premier coup, ne vous flagellez pas, vous allez finir par y arriver.
L’auteur de romans noir islandais Árni Þórarinsson, conseille aux jeunes auteurs d’être ouverts à la critique :
Árni Þórarinsson : Mettez-vous à l’écriture ! Et persévérez jusqu’à ce que vous vous sentiez suffisamment à l’aise pour faire lire votre travail à quelqu’un d’autre. Faites lire votre travail à d’autres et soyez ouverts. Ecoutez les remarques et ne pensez surtout pas que vous pourrez tout apprendre par vous-même.
Apprendre des autres
L’idéal de pureté de l’écrivain romantique fait beaucoup de mal car il place une charge monstrueuse sur les épaules de l’apprenti écrivain : comment un débutant peut apprendre s’il pense qu’il doit tout savoir par lui-même, sans formation ? Comment progresser sans être accompagné ? Et surtout comment débuter, progresser et parvenir progressivement à maîtriser un savoir faire complexe sans étudier techniquement ce qu’on fait les autres romanciers ?
Lire comme un écrivain
Ecrire un roman, c’est à dire créer un dispositif immersif permettant de faire vivre au lecteur un rêve éveillé ne s’insprovise pas. Attention : il ne s’agit pas de se faire vivre un rêve éveillé en tant qu’écrivain. De la même manière qu’un prestidigitateur ne cherche pas à s’émerveiller lui-même, mais porte la responsabilité d’entraîner ses spectateurs et de leur faire vivre, le temps du spectacle, une expérience de suspension d’incrédulité. Le romancier cherche à créer cette suspension d’incrédulité avec des mots, des phrases, des paragraphes, une structure. Et le meilleur moyen d’apprendre comment fonctionne un roman est de lire. Attention : pas lire comme un lecteur, pour le plaisir de se laisser entraîner dans un monde et une expérience créée à l’aide de mots. Mais en apprenant à lire comme un écrivain.
Le romancier français Ian Manook donne comme conseils aux jeunes auteurs de pratiquer l’écriture quotidiennement et d’accepter les retours.
Être ouvert à la critique
Ian Manook : Deux conseils évidents : toujours écrire, tous les jours, faut pas avoir peur, prendre le temps, une silhouette passe, elle est marrante, essayez de la capturer en une phrase. Si on a une demie-heure devant soi, alors on essaie de faire un petit paragraphe sur l’atmosphère qui nous entoure, sur ce qu’il y a autour, etc.… Deuxième conseil : accepter la critique. Ce que m’a apporté le fait de devenir un écrivain « professionnel » c’est de travailler avec une éditrice chez Albin Michel, qui est une personne qui se met en face de vous, qui lit le bouquin à fond, et qui vous fait des remarques.
Aucune des remarques n’est une obligation, mais si on n’est pas ouvert à cette critique-là, on va se refermer sur une écriture pleine de tics, une écriture qui est trop sûre de soi, qui va devenir prétentieuse. Et donc il faut vraiment accueillir la critique quand la critique est justifiée et bien faite. Mais moi, je n’ai aucun problème à écouter les critiques sur mes bouquins.
L’auteur de romans noirs français Marin Ledun donne trois conseils, en insistant sur l’importance de lire pour se former en tant que romancier.
Marin Ledun : Conseil n°1 :N’écoutez pas les conseils.
Conseil n°2 : Lisez, lisez, lisez. Regardez comment les autres artisans de l’écriture travaillent. Chacun a ses solutions et il n’y a que comme ça qu’on apprend. Il faut regarder ce qui se fait, sans chercher à copier, juste regarder ce qui se fait. Je pense qu’il n’y a que en lisant, et en écrivant, qu’on trouvera des solutions soi-même, parce que des fois, la solution, on ne la trouve pas, et il faut la créer.
C’est un peu bête, mais à mon avis, c’est la base.
Trouver sa propre voix
Mais une fois les bases de la narration acquise, n’y a-t-il pas un risque d’écrire de histoires bien faites, mais formatées ? Les techniques de la narration littéraire sont enseignées dans les pays anglo saxons tout au long de la scolarité (primaire et secondaire), et à l’université (master de creative writing) depuis la fin des années 1940 aux Etats Unis. Les conséquences d’un tel enseignement commencent à être étudiées. La conclusion des diverses études tendent à montrer, que les cours de narration littéraire n’ont pas forcément produit de grands génies de l’écriture, mais de très bons narrateurs.
Apprendre à construire et à écrire une bonne histoire est un point de départ. L’apprenti écrivain ne devra pas s’en contenter, car ses livres rejoindront les piles de livres bien construits mais qui ne se distinguent pas des autres. Il devra également parvenir à se singulariser. C’est là que l’approche de l’enseignement de l’écriture française (les ateliers d’écriture ainsi que la culture de l’originalité) a son intérêt. En France, nous mettons valeur “la voix” de l’écrivain, son style, sa manière unique d’écrire.
Parallèlement à l’apprentissage des règles de la narration, et de l’héritage des grands artisans romanciers, l’apprenti écrivain devra aussi chercher sa voix, c’est à dire ce qu’il a à raconter ainsi que la manière qui lui est propre de raconter.
Votre voix c’est votre façon de raconter votre histoire
La romancière canadienne Shari Lapena écrit des thrillers psychologiques. Elle conseille aux jeunes auteurs de raconter leurs histoires à leurs manières.
Shari Lapena : La chose la plus importante est de trouver sa propre voix. Il y a tellement de voix et donc tellement de nouvelles manières de raconter des histoires. Votre voix c’est votre façon de raconter votre histoire, le point de vue. Je leur dirais de trouver quelque chose de différent. Quelque chose qui parle pour eux, afin qu’ils n’écrivent pas quelque chose de la même manière que tout le monde, parce que ça ne marchera pas, donc je leur dirais : trouvez votre propre voix. Et pour trouver sa voix, je dirais : écrivez d’une manière excitante. Ne tenez pas compte du marché, écrivez ce qui vous excite personnellement et votre voix apparaîtra.
L’auteur de romans noirs Todd Robinson est un écrivain et un personnage atypique. Forcément, lui aussi insiste sur l’importance pour un jeune écrivain de trouver sa voix :
Todd Robinson : Je lui dirai que le plus important est de trouver sa propre voix. Parce qu’au final, c’est la seule chose qui le distinguera des autres. Deux personnes peuvent raconter la même blague, avec exactement les mêmes mots ; pour l’une d’elles, on sera pendu à ses lèvres ; pour l’autre, on baillera en attendant la chute. La différence c’est la voix, la façon dont l’histoire est racontée, le rythme des mots… C’est vrai à l’oral comme à l’écrit. Trouver sa voix est le plus important, même si ça prend des années. Pour moi ce qui marche, c’est de lire mes textes à voix haute, mais ça ne conviendra pas forcément à tout le monde… Le principal, c’est de découvrir qui vous êtes vraiment.
Avoir une identité d’écrivain originale
L’auteure française de polars historiques Viviane Moore conseille aux jeunes auteurs de cultiver leur différence. :
Viviane Moore : Écrire. Vivre. Vivre. Écrire.
Mais surtout rester libre. C’est pas facile, surtout dans ce monde, tellement imbibé d’images et de choses déjà vues, déclinées de tant de façons différentes. C’est très dur pour les jeunes, actuellement, d’avoir cette identité originale qui fait un auteur. Ça tient à l’enfance, oui, mais justement, quand je vois comment l’enfance est à la fois sécurisée, mais envahie par les images… Combien d’enfants sont déjà sur des écrans tout petits ? Ça ne nourrit jamais autant que le livre. Après ça, c’est très dur de créer librement. Niveau imaginaire. Ils n’ont pas ramassé les petits cailloux blancs. En écriture pure, je pense qu’il faut se lire à voix haute. Quand je relis mes chapitres, je relis à voix haute. Toujours au moins une fois. Quand j’ai un doute sur la fluidité des chapitres, je relis à voix haute.
Le grand narrateur américain Craig Johnson est un des romanciers policiers les plus appréciés en France, mais malgré son succès (la série de romans Longmire, adaptée sur Netflix) il conseille avant tout aux jeunes auteurs de ne pas chercher de formule commerciale :
Craig Johnson. : Il y en a tellement…Peut-être que le plus important c’est celui-ci : fiez-vous à votre cœur. Il faut ressentir la passion pour l’acte d’écrire. Ne cherchez pas une formule, ne cherchez pas quelque chose qui pourrait se vendre, parce que vous allez vous torturer avec ce genre de considérations.
Ça vient de l’intérieur. Il vous faut croire en quelque chose, et si vous arrivez à trouver ça, alors vous allez faire l’expérience du plaisir d’écrire. Si vous faites ça comme il faut, avec justesse, avec passion, avec cette énergie.
Que retirer de ces conseils aux jeunes auteurs ?
L’écriture ça s’apprend, c’est du travail, ce n’est pas du travail à la chaîne, ce n’est pas magique, même apprendre à devenir un bon prestidigitateur, c’est n’est pas magique en tant que tel.
Si vous souhaitez cerner vos thèmes, ainsi que les histoires que vous avez à raconter, Les Artisans de la Fiction organisent le stage Identifier vos territoires d’écriture.
Nous proposons également le stage Préparer et construire un roman – Les bases de la dramaturgie, afin de débuter dans l’apprentissage du travail de romancier avec des bases techniques.
Si cet article vous a intéressé, nous vous recommandons la vidéo du romancier et professeur de creative writing Chigozie Obioma, Apprendre à lire comme un écrivain
Nous vous invitons également à visionner la vidéo exceptionnelle du grand romancier français Pierre Lemaitre, où il donne ses conseils aux élèves des Artisans de la Fiction.
Lire les interviews complètes d’ A.J. Finn, Marion Brunet, Craig Johnson, Todd Robinson, Jane Harper, Ian Manook et Marin Ledun.
Merci à toute l’équipe de Quais du Polar pour ces interviews.
Cette année Quais du Polar propose une édition virtuelle.