L’apprentissage de l’écriture, souvent perçu comme un voyage solitaire, est un sujet de débat parmi les écrivains et enseignants. Certains prônent l’autoformation, soutenant que l’écriture est une discipline qui se découvre par la pratique et l’introspection. D’autres, comme le romancier irlandais Colum McCann, insistent sur l’importance de l’éducation formelle, tout en soulignant les paradoxes inhérents à cette démarche. Cet article, s’appuyant sur une interview exclusive de McCann, explore cette tension entre autodidaxie et formation académique.
Les histoires : au cœur de l’expérience humaine
Pour Colum McCann, les histoires ne sont pas de simples récits, mais la structure même de notre existence : « Le monde est tenu ensemble par des histoires qui se croisent, s’entrechoquent et rebondissent, » dit-il. McCann rappelle que les récits sont aussi puissants qu’ambigus, capables d’inspirer autant que de manipuler. L’écriture devient alors un acte d’engagement, où l’auteur doit manipuler les mots avec honnêteté et empathie. « Il faut trouver un noyau d’honnêteté humaine, » souligne-t-il, insistant sur la responsabilité de l’écrivain face à ce pouvoir.
L’importance de la lecture : un apprentissage par l’absorption
L’un des conseils fondamentaux de McCann aux écrivains en herbe est de lire, et de lire beaucoup. Il affirme que pour développer une voix propre, il est essentiel d’être nourri par les voix des autres :
« La chose la plus importante qu’un jeune écrivain puisse faire est de lire, lire, lire… Cela vous permet de sentir que vous n’êtes pas seul et que toute l’histoire est derrière vous. »
Pour McCann, la lecture est un moyen d’élargir son propre univers narratif, de découvrir de nouvelles façons de penser et d’écrire, tout en comprenant que l’écriture est un héritage collectif.
Enseigner l’écriture : un paradoxe nécessaire
Colum McCann se distingue par une approche paradoxale de l’enseignement de l’écriture. Il commence ses cours de creative writing par un aveu déconcertant : « La toute première leçon que je donne à mes étudiants, c’est que je ne peux rien vous apprendre. » Pour lui, la formation à l’écriture ne peut fonctionner que si l’élève a déjà en lui le feu sacré, ce désir ardent de raconter des histoires et d’apprendre par l’expérience.
« Si vous n’avez pas le feu, si vous n’avez pas le désir, si vous n’avez pas la persévérance, vous n’apprendrez rien. »
Cette déclaration, loin de décourager, invite à une réflexion sur la vraie nature de l’apprentissage en écriture. L’enseignement ne doit pas imposer des règles rigides, mais éveiller un besoin intérieur de les comprendre et, ensuite, de les transcender. McCann encourage à « briser les règles » mais seulement après les avoir maîtrisées, une démarche qu’il considère essentielle pour développer un style authentique et unique.
La discipline : clé de l’écriture
L’écriture n’est pas un don mystique, mais un travail rigoureux. McCann compare la discipline nécessaire pour écrire à celle des athlètes de haut niveau.
« Écrire, ce n’est pas rêver d’écrire. Écrire, c’est vraiment écrire. »
Pour lui, la page blanche est un combat quotidien qui nécessite de la ténacité et du courage. Il rappelle que la révision est une étape cruciale du processus créatif : « L’édition est l’endroit où tout commence à se passer. » Un bon texte, selon McCann, est le résultat de multiples révisions, où chaque mot est pesé, chaque phrase remodelée.
La réécriture : un travail d’orfèvre
McCann insiste sur l’importance de la réécriture, considérant que « c’est de la merde jusqu’à ce que ça ne le soit plus. » Cette phrase, empruntée à son ami Alexander Heymann, illustre l’idée que l’écriture est un processus de transformation continue. Rien n’est parfait du premier coup, et c’est en retravaillant son texte que l’écrivain parvient à en extraire la substance véritable.
Autodidacte: une voie possible, mais exigeante
Alors, faut-il se former à l’écriture en autodidacte ? Pour McCann, la réponse est nuancée. Si l’on peut découvrir les rudiments de l’écriture par soi-même, il est crucial de s’ouvrir aux enseignements des autres, que ce soit à travers la lecture ou l’éducation formelle. L’autodidaxie est une voie possible, mais elle requiert une immense discipline, une ouverture aux critiques et une capacité à se remettre en question.
Comme le souligne McCann, « Écrire, c’est asseoir sur son cul sur la chaise » et affronter, jour après jour, le défi de donner vie à ses idées.
Conclusion : l’écriture, entre apprentissage et inspiration
L’écriture est un art qui mêle apprentissage et inspiration, rigueur et créativité. Colum McCann, par son expérience d’écrivain et d’enseignant, nous rappelle que si l’on peut apprendre à écrire seul, le chemin est plus riche et plus fructueux lorsqu’il est jalonné de lectures, de rencontres et de remises en question. Que l’on soit autodidacte ou formé dans une école de creative writing, l’essentiel est de garder vivante la flamme intérieure, cette passion qui pousse à raconter des histoires et à explorer sans cesse de nouveaux horizons narratifs.
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