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Écrire une nouvelle – Jean Claude Dunyach


 Écrire une nouvelle ? Simple exercice de style ? Certainement pas ! Il s’agit d’un art à part entière, qui exige de la tension, une maîtrise technique redoutable, et la volonté de tout dire en quelques pages. Or, nombreux sont ceux qui se lancent en croyant produire un « mini-roman » : à tort. À l’instar de Jean-Claude Dunyach, il faut savoir construire un micro-univers dense et une intrigue puissante, sans étouffer la spontanéité créative. Prêt à tout désapprendre et réapprendre ?

Lorsqu’on évoque l’écriture de la nouvelle, un mot revient souvent : densité. Comment, en quelques pages, créer un univers, des personnages mémorables et un cheminement narratif fort ? Au fil de sa carrière et de ses interventions en atelier d’écriture, l’auteur Jean-Claude Dunyach (plusieurs fois lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire et du prix Rosny aîné) a régulièrement réfléchi à la question. 

1. Une tension narrative immédiate

Plus que dans tout autre format, la nouvelle impose de se focaliser sur la tension dès les premières lignes. La forme courte privilégie un début rapide, sans le luxe d’une lente exposition.

« La science fiction adore que les personnages démarrent en étant déjà un peu solides […]. On n’a simplement pas le temps de les former. »
Jean-Claude Dunyach

Cette affirmation souligne la nécessité d’introduire un conflit ou un élément perturbateur quasi immédiatement. L’écrivain ne peut s’offrir la longue montée dramatique d’un roman : tout doit se jouer en peu de mots. L’important est de suggérer rapidement au lecteur le cadre, la tension et la raison de l’enjeu, quitte à laisser de côté certaines explications superflues pour mieux concentrer l’action et l’émotion.

Astuce : Commencez par un événement marquant (un danger, un retournement), puis glissez quelques lignes de contexte. L’effet d’urgence maintient l’intérêt du lecteur, tandis que les explications plus longues pourront être insérées ultérieurement — ou tout bonnement abandonnées si elles n’apportent pas de tension supplémentaire.

2. Des personnages déjà « formés » mais évolutifs

Le second défi de la nouvelle est de proposer, en quelques pages, des personnages non seulement crédibles, mais capables de laisser entrevoir un changement, aussi minime soit-il. L’astuce, selon Jean-Claude Dunyach, est de les présenter en pleine possession de leurs moyens tout en insinuant le germe d’une possible métamorphose.

« En science fiction, le personnage est censé être d’entrée formé et [a] cette espèce de capacité à introduire une métamorphose. C’est une bombe prête à exploser […]. »

Ainsi, même s’ils n’ont pas l’espace pour un arc psychologique vaste, les protagonistes peuvent vivre un « repli » ou une « fêlure » dans le cours de la nouvelle. Comme l’explique la critique littéraire, un changement de perception, même subtil, suffit à marquer l’esprit du lecteur. Mieux vaut un petit basculement bien développé qu’une longue quête mal illustrée.

Astuce : En amont, isolez une « faille majeure » chez votre héros (ex. : son arrogance, sa peur, son regret). Construisez la nouvelle de sorte que l’intrigue confronte cette faille de manière frontale. La conclusion montrera un frémissement de changement.

3. Gérer l’information et l’univers — la leçon de la S.F.

Que la nouvelle traite d’imaginaire, de fantastique ou de tout autre genre, la question de la gestion de l’information est cruciale. En peu de pages, il faut à la fois poser l’univers, les enjeux, et laisser deviner le potentiel plus vaste. Dans les littératures de l’Imaginaire, cette difficulté se fait sentir d’autant plus : il y a un monde à construire.

« Pourquoi est-ce aussi difficile de gérer l’information dans l’imaginaire ? Parce qu’on a envie d’expliquer le décor, mais on n’a pas la place. […] Il faut que tout se fasse par touches, par morceaux… »

Cette contrainte oblige à recourir à des indices épars, presque cryptés. Des descriptions brèves suggèrent une technologie, une structure sociale, un climat étrange… De même, l’auteur peut jouer sur l’implicite : un simple terme inconnu, lâché par un personnage, peut éveiller la curiosité du lecteur sur la culture sous-jacente.

Astuce : Montrez seulement ce qui impacte directement l’action ou l’émotion. Évitez les paragraphes explicatifs qui rompent la tension dramatique. Préférez des détails sensoriels fragmentaires, diffusés à l’occasion d’un conflit ou d’un dilemme.

4. La construction simultanée du cadre et des personnages

Jean-Claude Dunyach insiste sur le fait que, dans la nouvelle, le cadre (ou l’univers) et les personnages se construisent de manière conjointe. Imaginer d’abord un univers complet, puis y « placer » des protagonistes, risque de produire un décalage artificiel. À l’inverse, définir des personnages avant de savoir où ils évoluent peut rendre l’univers décoratif et peu cohérent.

« [Le cadre] va exploser autour de lui […] Il ne peut pas y en avoir un sans l’autre. On les fait en même temps. »

C’est la fameuse question de l’organicité de la nouvelle. Si vous cherchez à faire ressentir une tension unique et dense, faites évoluer vos personnages avec un décor qui, à chaque étape, les confronte à leurs conflits internes. Tout doit concourir à l’unité de la narration.

Astuce : Identifiez la valeur contradictoire au cœur de votre nouvelle (p. ex. tradition/innovation, liberté/aliénation). Mettez en scène des personnages emblématiques de chacune de ces forces, et un décor (ville, vaisseau, jungle, etc.) qui pose visuellement la contradiction. L’intrigue découlera alors de cette collision.

5. La technique comme outil, pas comme finalité

De nombreux auteurs novices se laissent submerger par la technique — règles, structures, formats. Or, l’essentiel demeure la capacité à transmettre l’émotion et l’idée directrice de la nouvelle. Comme l’explique Dunyach, la technique est là pour servir la spontanéité et l’enthousiasme créatif, non pour les étouffer.

« Je lis comme un malade, je démonte tout pour voir comment c’est fait […] Au début, on voit les grosses cordes, puis on finit par voir les ficelles. »

Démanteler un texte, analyser sa mécanique, s’approprier les techniques : tout cela vise à décupler l’aisance et la liberté narrative. Au final, la nouvelle, plus que tout autre forme, exige un marquage fort du style et de la sensibilité de l’auteur, dans un espace restreint. Le risque d’impersonnalité est grand si on se borne à appliquer une grille. Au contraire, la technique se veut libératrice.

Astuce : Prenez un récit bref classique (ex. : Maupassant, Tchekhov) et recopiez (oui, littéralement) les trois à cinq premières pages. Notez, paragraphe par paragraphe, le rôle de chaque phrase (introduire un personnage, créer un effet, amorcer un conflit). Réfléchissez ensuite à votre propre nouvelle : quels ajustements pour obtenir un impact similaire sur votre lecteur ?

Conclusion

Écrire une nouvelle, selon Jean-Claude Dunyach, relève d’un équilibre délicat : une densité de situation et d’émotion, associée à une construction simultanée de l’univers et des personnages, et soutenue par une technique souple mais rigoureuse. Il s’agit d’assembler un « micro-monde » en quelques pages, où tout fait sens et où la tension naît aussitôt. À l’image de la science-fiction, qui doit parfois installer un monde entier en quelques paragraphes, la nouvelle doit, elle aussi, marier l’ellipse et la brièveté tout en préservant l’impact. Loin d’être un simple « mini-roman », la nouvelle possède ses lois internes, à la fois artisanales et subtiles. Et, comme l’affirme Dunyach, seule une passion profonde pour la lecture, la découverte et la « démontologie littéraire » permet au nouvelliste de proposer un texte mémorable et vibrant.

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