Adresse : 10 rue du chariot d’or, 69004 Lyon
Mail : contact@artisansdelafiction.com
Tél. : 04.78.29.82.07

 

Permanences téléphoniques et accueil :
les mercredis de 14h à 18h (hors vacances scolaires)

Nous suivre sur les réseaux
S’inscrire à notre newsletter

French Theory : La médaille d’or de la déconstruction

La French Theory, cet ensemble de théories philosophiques françaises des années 1960 et 1970, a radicalement transformé l’enseignement de la littérature en France. Jacques Derrida, Michel Foucault, Gilles Deleuze, et Jean-François Lyotard ont introduit des concepts révolutionnaires mais souvent hermétiques, dont la déconstruction, qui a redéfini notre manière d’analyser les textes. Pourtant, cette approche, en privilégiant l’analyse critique au détriment de la pratique de l’écriture créative, a suscité une controverse intense. Est-ce que cette prédominance de la French Theory a enrichi ou appauvri notre système éducatif ? Face à l’émergence des méthodes de creative writing anglo-saxonnes, il est temps de questionner les véritables conséquences de ce mouvement intellectuel sur la formation des écrivains de demain. La French Theory : vision novatrice ou impasse académique ? 

La French Theory, qui a émergé dans les années 1960 et 1970, est un mouvement intellectuel fondé sur les idées de philosophes et théoriciens français tels que Jacques Derrida, Michel Foucault, Gilles Deleuze et Jean-François Lyotard. Cette approche, connue pour sa complexité et sa nature souvent ésotérique, a exercé une influence considérable non seulement sur la philosophie et les sciences humaines, mais aussi sur l’enseignement de la littérature. Cependant, la déconstruction, un concept central de la French Theory, a suscité de nombreuses controverses quant à son impact sur l’éducation littéraire et la pratique de la création littéraire.

La Déconstruction : Concept et impact

La déconstruction, théorisée principalement par Jacques Derrida, vise à déconstruire les textes pour révéler les contradictions et les ambiguïtés sous-jacentes, en soulignant que le sens est toujours différé et jamais fixe. Cette méthode remet en question les notions traditionnelles de signification, d’auteur et de vérité, affirmant que tout texte est susceptible d’interprétations multiples et souvent contradictoires.

L’impact de la déconstruction sur l’enseignement de la littérature en France a été profond. Les programmes universitaires ont souvent adopté une approche analytique et critique, privilégiant l’étude des textes à travers le prisme de la déconstruction et des autres théories littéraires françaises. Cette tendance a conduit à une diminution de l’accent mis sur la pratique de l’écriture créative, remplacée par une focalisation sur l’analyse textuelle.

L’héritage de la French Theory dans l’éducation littéraire

L’une des conséquences notables de la French Theory dans l’enseignement de la littérature est la marginalisation de la pratique de l’écriture créative au profit d’une approche plus théorique et critique. Cet impact a accentué le mouvement amorcé par  l’abandon des modèles classiques en France à la fin du XIXème siècle, au profit de « la science du lecteur ». Comme l’explique Agathe Leclercq, professeure de littérature, dans une interview pour Les Artisans de la Fiction :

« nous ne faisons que lire de grands textes patrimoniaux et écrire des textes d’analyse, argumentatifs, très normés et souvent, pour les élèves, très ennuyeux et déconnectés de leurs expériences de lecteur ».

Cette orientation a créé un fossé entre la théorie littéraire et la pratique de l’écriture, laissant peu de place à l’expression créative des étudiants.

Les ateliers d’écriture français et la French Theory

Les ateliers d’écriture français, apparus à la fin des années 1970, ont été fortement influencés par la French Theory. À l’origine, ces ateliers avaient pour but de libérer la créativité des participants en opposition à l’approche scolaire perçue comme castratrice. Basés sur des consignes d’écriture inspirées par des extraits littéraires, ces ateliers mettaient l’accent sur l’expression libre et le retour positif sur les textes produits. Cependant, l’influence de la déconstruction a souvent conduit à une focalisation sur la forme et les structures textuelles, plutôt que sur le développement des compétences narratives et créatives.

Comme cela apparaît dans notre interview « Faut-il réinventer la pédagogie de la littérature au lycée ? », de nombreux enseignants de littérature cherchent aujourd’hui à transformer leurs méthodes d’enseignement pour mieux répondre aux besoins des élèves. Ils se tournent vers des formations à la narration littéraire comme celles proposées par Les Artisans de la Fiction, pour combler les lacunes laissées par une approche trop théorique.

L’approche française contemporaine et la critique littéraire

Malgré les critiques, l’approche de la French Theory reste très présente dans le paysage littéraire et académique français. La déconstruction continue d’influencer les méthodes d’analyse et de critique littéraire, avec une focalisation sur les structures textuelles et les ambiguïtés sémantiques. Cependant, cette approche peut sembler hermétique et éloignée des réalités pratiques de l’écriture créative.

Un exemple frappant de cette persistance est l’ignorance relative des théories littéraires plus pragmatiques, comme celles de Northrop Frye. Dans The Educated Imagination, Frye propose une approche plus accessible et utilitaire de la littérature, soulignant l’importance des mythes et des structures narratives récurrentes dans la compréhension et l’enseignement de la littérature. Cette perspective, largement reconnue dans les pays anglo-saxons, reste moins influente en France, où la French Theory continue de dominer.

Les critiques de la French Theory

Les critiques de la French Theory, et de la « science du lecteur », comme Baptiste Emile Dericquebourg dans Le Deuil de la littérature, soulignent que cette approche a conduit à une forme de pensée académique qui peut être hermétique et déconnectée de la réalité. Selon Dericquebourg :

« les filières où [la littérature et la philosophie] s’enseignent sont des filières de philologie : on apprend à lire et commenter un corpus à conserver, et éventuellement à manier un peu les langues qui permettent d’accéder à ce corpus ».

Il affirme que cette approche limite la créativité et l’innovation littéraire, en enfermant les étudiants dans une logique de commentaire plutôt que de création.

Les approches alternatives : Le Creative Writing

En contraste avec l‘approche française, le creative writing, particulièrement développé aux États-Unis, offre une perspective différente sur l’enseignement de la littérature. Dans les programmes de creative writing, l’accent est mis sur la pratique de l’écriture, l’expérimentation narrative et le développement des compétences créatives. Les étudiants y apprennent à écrire des histoires, des poèmes, des pièces de théâtre, et reçoivent des feedbacks constructifs pour améliorer leur travail.

L’évolution des ateliers d’écriture en France

Malgré la prédominance de la French Theory, il y a des signes d’évolution en France. Les Artisans de la Fiction, par exemple, offrent des formations en narration littéraire qui s’inspirent des méthodes anglo-saxonnes. Ces ateliers permettent aux participants d’explorer des techniques narratives, de développer leur créativité et d’apprendre à structurer leurs histoires. Agathe Leclercq, après avoir suivi une formation auprès des Artisans, souligne l’importance de ces ateliers pour combler le fossé entre la théorie et la pratique de l’écriture.

Réinventer la pédagogie de la littérature

La nécessité de réinventer la pédagogie de la littérature est de plus en plus pressante. Lionel Tran, dans son article « Faut-il réinventer la pédagogie de la littérature au lycée ? », met en lumière le désir des enseignants de transformer les méthodes d’enseignement pour mieux répondre aux besoins des élèves. Tran note que de nombreux professeurs de littérature s’inscrivent aux formations à la narration littéraire proposées par les Artisans de la Fiction, cherchant à intégrer ces nouvelles approches dans leurs cours.

 Conclusion : Vers une pédagogie inclusive

La French Theory a sans doute apporté des contributions significatives à la compréhension et à l’analyse des textes littéraires. Cependant, son impact sur l’enseignement de la création littéraire a également suscité des critiques légitimes. Pour revitaliser l’éducation littéraire, il est crucial de trouver un équilibre entre la théorie et la pratique, en intégrant des méthodes de creative writing qui encouragent l’expression créative et la maîtrise des techniques narratives.

En combinant les riches traditions analytiques de la French Theory avec des approches plus pratiques et créatives, nous pouvons espérer offrir une éducation littéraire plus complète et stimulante, capable de former des écrivains et des lecteurs capables de dialoguer avec les textes d’une manière profonde et significative.

Si vous souhaitez vous former et (re)construire un rapport plus artisanal et narratif à l’écriture, nous vous recommandons notre cycle l’Artisanat de l’écriture et nos stages fondamentaux :

Aller à la barre d’outils