Préparer son roman, un obstacle à la liberté créative ? Bertrand Puard, prolifique auteur jeunesse et adulte, dévoile son processus minutieux et les secrets de la planification narrative. Dans un univers littéraire où la structure et les modèles sont souvent perçus comme des carcans, Bertrand Puard explore comment l’héritage des grands écrivains et le savoir-faire artisanal peuvent enrichir la création sans étouffer l’originalité.
Écrire un roman est une entreprise exigeante, où l’inspiration et la méthode doivent coexister. Pour Bertrand Puard, auteur prolifique et passionné de littérature, préparer un roman ne consiste pas à brider son imagination, mais à créer un échafaudage solide qui soutiendra l’originalité du récit. Puard partage dans une interview exclusive pour les Artisans de la Fiction ses réflexions sur l’héritage littéraire, les modèles narratifs, et l’importance de maîtriser son art pour mieux se libérer des contraintes.
La Planification, tremplin pour la créativité
Pour Bertrand Puard, la planification est une étape cruciale dans la création de ses romans. Avant même d’écrire le premier mot, il passe de longues heures à organiser son intrigue et à chapitrer son récit. Il utilise un outil pour le moins inattendu : un tableau Excel.
« Je travaille avec des tableaux pour suivre l’évolution de mon intrigue. Chaque chapitre est pensé à l’avance, je les mets en cases et je dispose ces plans au sol pour les voir dans l’espace et vérifier l’équilibre de l’histoire. »
Cette méthode permet à Bertrand Puard de garder une vision d’ensemble et de ne pas se perdre dans les méandres de son récit.
Cet agencement minutieux, inspiré par l’approche feuilletonnesque d’Alexandre Dumas dans Le Comte de Monte-Cristo, permet de maintenir un rythme haletant et de s’assurer que chaque chapitre finit sur un cliffhanger.
« Dumas était un maître du suspense, chaque fin de chapitre pousse à tourner la page. C’est cette maîtrise du rythme et du suspense que je cherche à atteindre. »
Pour Bertrand Puard, la planification n’est donc pas un frein, mais un moyen d’amplifier l’impact de son histoire.
Héritage et modèles narratifs : S’inspirer des grands pour inventer
Puard revendique son attachement à l’héritage littéraire et aux modèles classiques, qu’il voit comme une source d’inspiration et non une limite. Il puise dans les genres et les techniques de grands auteurs pour enrichir son propre style, sans pour autant se laisser enfermer dans un carcan.
« Le but de la littérature, c’est de raconter des histoires qui font sens. Les grands auteurs nous montrent comment décortiquer notre monde et le rendre captivant. »
Cette démarche s’inscrit dans une tradition littéraire où chaque écrivain apprend des maîtres pour développer son propre langage. Selon Puard, il est important de connaître les règles avant de les briser. Il cite par exemple l’écrivain Philip Kerr, créateur de la série policière Bernhard Gunther, qui mélange les périodes historiques et les genres avec audace.
« Kerr déstructure la chronologie pour raconter une histoire sur la montée du nazisme et la chute du mur de Berlin. Cette liberté narrative est inspirante pour nous montrer comment manipuler le temps et l’espace. »
L’Importance du savoir-faire artisanal : maîtriser la technique pour être libre
Si Puard valorise la liberté narrative, il insiste sur l’importance de maîtriser les outils techniques. La structure, le rythme, la construction des personnages, sont pour lui des éléments fondamentaux qui nécessitent une approche artisanale. Il travaille ainsi chaque détail de ses intrigues pour offrir au lecteur une expérience immersive et fluide.
« Je tiens beaucoup à cette idée d’artisanat dans l’écriture. Il ne suffit pas d’avoir une bonne idée, il faut aussi savoir la mettre en scène. »
Cette méticulosité permet à Puard d’expérimenter avec le genre sans perdre en cohérence. Il évoque notamment l’hybridation des genres, un procédé qu’il utilise dans plusieurs de ses œuvres, comme dans sa série Hippocampus, un mélange de thriller médical et de roman familial.
« J’aime ne pas travailler sur des romans monolithiques, mais plutôt par couches, pour offrir une expérience originale. »
En variant les styles, Puard évite la redondance et propose une approche renouvelée de la narration.
L’originalité : S’émanciper des tropes sans abandonner les codes
Puard n’est pas opposé aux tropes littéraires, ces éléments narratifs récurrents qui servent de repères aux lecteurs. Pour lui, les tropes sont comme les outils d’un artisan : ils permettent de structurer l’histoire et d’assurer une cohérence narrative. Cependant, il prône une utilisation modérée et une réinterprétation de ces motifs pour éviter le cliché.
« Les tropes sont utiles pour poser un cadre, mais il faut savoir les déformer pour surprendre le lecteur. »
Il prend en exemple son roman Ristretto, où il revisite le thriller financier en y ajoutant des éléments de saga familiale. Ce mélange permet de jouer avec les attentes du lecteur tout en évitant de tomber dans le stéréotype.
« L’hybridation des genres ouvre de nouvelles portes. C’est une manière de créer quelque chose d’original en partant de modèles connus. »
Préparation et spontanéité : trouver un équilibre
Pour Bertrand Puard, la clé réside dans l’équilibre entre la planification et la liberté d’improvisation. Il explique que la préparation ne doit pas rigidifier le processus créatif, mais plutôt servir de boussole pour éviter de se perdre. Une fois ses chapitres bien balisés, il s’autorise des écarts et des digressions qui enrichissent son récit.
« La structure m’apporte une sécurité. Elle me permet de rester sur la bonne voie, tout en explorant des idées nouvelles sans crainte de m’égarer. »
En d’autres termes, l’auteur se donne un cadre pour pouvoir mieux s’en affranchir. « La littérature doit avoir un sens, mais elle doit aussi être vivante. La structure est là pour renforcer cette vitalité, pas pour l’étouffer. »
Bertrand Puard montre ainsi que préparer son roman n’est pas antinomique à la créativité. Au contraire, cette approche lui permet de créer des récits ambitieux tout en préservant une authenticité narrative.
Conclusion : La planification, un artisanat au service de la création
Dans un monde où l’originalité est devenue un critère de plus en plus recherché, Bertrand Puard prouve que la préparation n’est pas un obstacle, mais une alliée précieuse. En s’inspirant des modèles littéraires, en manipulant les tropes et en hybridant les genres, il développe une écriture unique, fruit d’un savoir-faire artisanal. La préparation devient ainsi un outil de liberté, un tremplin vers des territoires narratifs inexplorés.
Pour Puard, chaque roman est une opportunité d’apprendre et de perfectionner son art, tout en rendant hommage aux grands auteurs qui ont marqué l’histoire de la littérature. En préparant ses romans avec rigueur, il réussit à offrir des récits captivants qui interrogent notre monde, sans jamais sacrifier la spontanéité de l’écriture.
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