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« La rivière » de Peter Heller : un roman de survie et d’urgence


Attention : choc littéraire. « La rivière » de Peter Heller nous plonge dans un tourbillon de survie lors d’un méga incendie causé par le réchauffement climatique.

Dès sa première phrase, « Une odeur de fumée leur parvenait depuis deux jours » , « La rivière » de Peter Heller nous captive et ne nous relâche qu’après 293 pages, nous laissant épuisés.

L’histoire est à la fois simple et puissante : deux amis entreprennent une descente en canoë à travers 7 lacs, qu’ils doivent traverser, l’un après l’autre, avant de rejoindre le lac suivant à pied à pied en transportant un lourd équipement de survie. Mais les choses se gâtent et, dès la première page, ils découvrent qu’un gigantesque incendie les talonne.
Et comme si cela ne suffisait pas, ils sont bientôt traqués par un antagoniste déterminé détruire leurs provisions et à les éliminer parce qu’ils ont vu quelque chose qu’ils n’auraient pas dû voir. Le point culminant du roman est le face-à-face avec l’incendie, une prouesse qui s’étend sur plus de 30 pages, où les personnages et le lecteur parcourent les cercles de l’enfer de Dante avant de se retrouver dans le Paradis Perdu de Milton.

L’écriture de Peter Heller est haletante, habile (il parvient à créer de la tension dès le premier paragraphe) et extrêmement subtile (il explore la nature depuis son adolescence et insiste sur la précision des nuances de couleurs des feuilles des arbres à chaque semaine de l’année). « La rivière » réussit à concilier le plaisir des lecteurs d’une belle écriture et les amateurs d’histoires puissantes.

D’un point de vue technique, les apprentis écrivains pourront apprendre plusieurs choses : la dynamique des phrases, la précision des verbes d’action, la gestion de la tension, phrase par phrase, paragraphe par paragraphe, chapitre par chapitre. Malgré sa précision, le récit est extrêmement dynamique.
Par exemple : « Ils pagayaient à genoux pour maintenir un centre de gravité bas. C’était épuisant. Puis le vent retomba d’un coup comme étouffé, le lac se fit d’huile en moins d’une heure et ils eurent l’impression de flotter dans le brouillard. Ils se mouvaient dans un nuage lui-même mouvant d’où seuls quelques mètres d’eau noire étaient visibles quelle que soit la direction, et le brouillard pâle dériva en haillons comme de la fumée récalcitrante. »

L’univers narratif est filtré à travers la perception des protagonistes. Peter Heller aime la nature sauvage et ne la trahit pas en l’observant à distance, du point de vue d’un narrateur omniscient, mais toujours à travers le prisme des perceptions (visuelles, olfactives, sonores, …) de ses deux protagonistes, Wynn et Jack. Ce qui crée un effet particulièrement immersif pour le lecteur.

Pour ce qui est de l’inspiration, il est important de noter que Peter Heller, comme il le confie dans l’entretien qu’il a accordé aux Artisans de la Fiction, s’est mis à explorer la nature après avoir lu, enfant, des auteurs tels que Jack London. Pendant plus de 10 ans, il a également rédigé professionnellement des articles de non-fiction (la non-fiction est une forme de journalisme utilisant les outils de la narration pour écrire des histoires inspirées du réel) sur la pêche et le kayak. « J’écris sans préparation, mais je me suis entraîné pendant des milliers d’heures

Le roman « La rivière » est à la fois un roman de nature (nature writing) et un thriller psychologique. L’histoire repose sur la relation entre les deux protagonistes, Wynn et Jack. Tous deux ont grandi dans des ranchs, en contact quotidien avec la nature et la pêche, et tous deux ont étudié la poésie à l’université (tout comme l’auteur, Peter Heller, qui a étudié la poésie à l’Iowa Writing Workshop). Wynn a eu une enfance heureuse, tandis que Jack a perdu sa mère lorsqu’il était enfant à la suite d’un accident de cheval dont il se sent coupable.

Les visions du monde de chacun se renforcent et s’affrontent tout au long du roman : Wynn défend l’humanité, la tolérance et le principe de précaution, tandis que Jack ne veut plus être responsable de la mort d’un être aimé et privilégie la prudence et la stratégie.

« La rivière » tisse ainsi une subtile tragédie où l’instinct de survie et l’humanisme dansent un ballet où chacun dépend de l’autre, mais dont l’issue laissera des traces.

Il est à noter que Peter Heller vient de publier la suite de « La rivière », intitulée « Le guide ».

Voir notre interview de Peter Heller, où l’auteur partage sa manière de travailler sur un roman, son long apprentissage de l’écriture, et ses nombreuses (et précises) recommandations aux apprentis écrivains.

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