On entend souvent que “maîtriser le show don’t tell” est une règle d’or de l’écriture de fiction. Ce qui donne l’impression d’une contrainte désagréable, d’une formalité à cocher. Mais le “show don’t tell” n’est pas une règle d’or, encore moins un bon conseil à donner à un écrivain… le “show don’t tell” est au cœur de toute écriture de fiction, le “show don’t tell” C’EST l’écriture de fiction.
Alors qu’est-ce que c’est exactement ? Et comment maîtriser le “show don’t tell” ?
Le “show don’t tell”, qu’est-ce que c’est ?
Le “show don’t tell” (= littéralement “montrer plutôt que de dire”), c’est l’art de la mise en scène. C’est la capacité à faire passer une information à un lecteur en lui faisant vivre cette information plutôt qu’en lui expliquant.
Voyons plutôt un exemple.
L’information que l’on veut faire passer à notre lecteur est : Arthur est quitté par Sarah et a le cœur brisé. Il est très triste et plein de colère envers lui-même et envers sa femme.
Voici un exemple d’un texte de fiction qui “explique” ces informations plutôt que de les mettre en scène :
Arthur était malheureux. Sa femme venait de le quitter après cinq années d’un mariage houleux.
- Je pars, lui avait-elle dit.
Puis elle était sortie, laissant Arthur, le cœur brisé, plein d’une colère rentrée contre lui-même et contre elle (…)
Voici maintenant un texte qui fait passer les mêmes informations au lecteur mais sans lui expliquer, grâce à la mise en scène.
Arthur prit sa tête dans ses mains. Son cœur battait à mille à l’heure dans sa poitrine, il pouvait presque l’entendre.
Il regarda autour de lui : la penderie de la chambre était vide du côté de Sarah. Arthur se leva et s’approcha. Le bois des étagères tirait vers le gris, la poussière lui entra dans la gorge. Il se mit à tousser, tousser, tousser jusqu’à pleurer, vomir, presque. Il se précipita dans la salle de bain, vit son visage dans le miroir. Il était livide.
• Quelle tronche de merde ! hurla-t-il. Et quelle connasse !
Que se passe-t-il quand on ne maitrise pas le “show don’t tell” ?
En lisant ces deux textes, on remarque tout de suite quelque chose : dans le premier texte il n’y a aucune action. Les évènements sont exposés au lecteur de manière désincarnée sans mise en contexte… mais surtout, le vrai problème c’est que ce texte ne génère aucune émotion dans la tête du lecteur. Le lecteur prend acte des informations données par l’auteur. Il se dit “D’accord, je comprends bien qu’Arthur est malheureux” mais il ne ressent pas, il ne “voit” pas le désarroi d’Arthur.
Sur un texte de quelques lignes, cette absence de mise en scène n’est pas problématique. Mais si elle est déployée sur l’intégralité du texte, sur plusieurs pages, voire dans un roman entier, les conséquences sont désastreuses : le lecteur ne pourra pas faire l’expérience qu’il vient chercher quand il ouvre un roman, c’est-à-dire vivre profondément une histoire à travers les yeux d’un autre. Vivre des actions, vivre des émotions “comme si c’était à lui que ça arrivait”.
Comment faire pour le maîtriser ?
Mais alors, comment maîtriser le show don’t tell ? Comment fait-on pour mettre en scène des informations plutôt que de les expliquer ?
Les techniques qui permettent de mettre en scène des informations sont nombreuses !
Se former seul
On peut, par exemple, se former seul en observant les romans de ses auteurs et autrices préférés. En analysant leurs façons de faire, on peut remarquer des techniques, tenter de les reproduire pour ensuite les faire à sa propre main. On peut ensuite faire des fiches récapitulatives pour compiler les techniques et aller piocher dedans si l’on est perdu au moment de la rédaction.
Cette technique est la technique… de tous les auteurs, en particulier de ceux et celles qui n’ont jamais pris de cours d’écriture. Ils se sont auto-formés à l’art de la mise en scène en observant de près leurs textes favoris. Par exemple, dans ses mémoires d’autrice (Frantumaglia – L’écriture et ma vie), Elena Ferrante explique qu’elle a passé beaucoup de temps à recopier, mots pour mots, des passages entiers de romans d’Elsa Morante dont elle admirait le travail de fiction.
Aller plus vite grâce à une formation
Mais l’auto-formation peut être fastidieuse et décourageante, surtout pour un grand débutant. C’est pourquoi il est parfois judicieux de s’initier cet artisanat, dans le cadre d’un apprentissage.
Dans le stage « Écrire un roman : les outils de la narration littéraire”, nous en abordons deux techniques fondamentales de mise en scène : les outils de narration (description, action, dialogue etc..) et la stratégie narrative (= le point de vue). Nous prenons le temps de montrer des exemples issus de la littérature classique et contemporaine pour montrer comment les auteurs de toutes les époques maîtrisent l’art de la mise en scène. Et bien entendu, nous faisons tester chacune de ces techniques à nos élèves par le biais d’exercices simples et fractionnés.
Et, si vous souhaitez aller encore plus loin, le stage « les outils avancés de la narration littéraire” vous donnera des clés pour mieux comprendre comment fonctionne l’art de la narration et comment maîtriser le “show don’t tell”. Il vous permettra de vous sentir plus indépendant dans votre écriture en vous permettant de mieux comprendre comment fonctionne cette technique et comme “réparer” un texte qui explique trop sans montrer.
L’art du “show don’t tell” est l’art de la narration dans son ensemble. La maîtrise des outils de la narration n’est qu’une des nombreuses manières de le maîtriser. La mise en scène passe aussi par la compréhension des structures d’histoire, par la maîtrise de la thématique et de la symbolique qui sont des aspects fondamentaux de l’écriture de fiction et que nous enseignons dans nos formations à l’année comme en stage (Préparer et construire un roman, Les 7 intrigues fondamentales, L’Arc transformationnel du personnage…).