On vous a dit que l’éditeur serait votre « partenaire bienveillant » ? On vous a menti. Travailler avec un bon éditeur, c’est se confronter à quelqu’un qui vous renverra à vos angles morts, qui fouillera vos phrases et votre intention, et qui vous demandera, en substance : « Est-ce que tu as vraiment quelque chose à dire ? »
1. Démystifions : non, l’éditeur ne vous attend pas
Marie Leroy, directrice du département littérature aux éditions de La Martinière, a le mérite de la franchise :
« Sur plusieurs centaines de manuscrits reçus chaque année, on en publie… 0,03 %. »
Autrement dit, vous avez plus de chances d’être foudroyé en pleine lecture de votre propre tapuscrit que d’être repéré sur manuscrit spontané.
Pourquoi ? Parce qu’une maison, c’est trois personnes, des centaines de textes, et pas de subvention. Donc, pour qu’un texte attire l’attention, il faut qu’il déclenche une étincelle dès la première page. Pas une « belle plume ». Une accroche. Une voix. Une intention claire.
« Il faut qu’il y ait l’écriture, ou l’idée du livre, ou la construction. Si on n’a aucun des trois, c’est foutu. »

2. L’écriture sans vision, c’est juste de la décoration
Écrire joliment ne suffit pas. La directrice le dit clairement :
« On reçoit des manuscrits très bien écrits… mais qui ne racontent rien. Des perles enfilées, mais sans fil. »
On peut avoir du style, mais s’il n’est pas adossé à un propos, une histoire, un sens narratif, cela ne prend pas. Et ce n’est pas une question de niveau littéraire. Elle le souligne : même les auteurs dits “littéraires” doivent raconter quelque chose.
« Même Philippe Delerm, quand je l’ai rencontré, avait écrit 50 livres. Et pourtant, on retravaille encore. »
3. L’éditeur n’est pas un juge. Il est un miroir.
Le travail éditorial, c’est un dialogue. Pas un verdict. Et surtout pas un surplomb :
« Je ne suis pas là pour dire “ça c’est bon” ou “ça c’est nul”. Il n’y a pas de vérité en littérature. »
Mais il y a des questions. Des doutes. Des regards qui permettent à l’auteur de voir ce qu’il n’a pas vu. Comme ce personnage qui disparaît sans raison après le chapitre 5. Ou cette scène que l’auteur a en tête mais qu’il a oublié d’écrire.
Et c’est ça, le cœur du travail :
« Ce que j’adore, c’est quand l’auteur me raconte des choses qui ne sont pas dans le livre. Et je lui dis : “C’est génial… mais c’est pas écrit.” »
4. L’histoire avant tout
On croyait que seuls les auteurs populaires avaient le devoir de raconter des histoires. Détrompez-vous :
« Même dans un roman très littéraire, je vais chercher une histoire. Je veux qu’on me raconte quelque chose. »
Et pour Marie Leroy, les histoires ont une fonction essentielle :
« Les histoires servent à grandir. À comprendre. À vivre ce qu’on ne vivra jamais. »
Elles peuvent nous faire comprendre le monde, ou nous permettre de l’oublier un instant. Et dans les deux cas, c’est précieux.
5. L’hybridation : arme du présent
L’éditeur contemporain ne fuit pas les mélanges. Marie Leroy défend une vision assumée de l’hybridation des genres :
« Le polar, c’est une école d’écriture. Mais s’il ne parle que de “qui a tué qui”, il tourne en rond. L’hybridation permet d’en faire un outil politique, social, poétique. »
6. L’intelligence artificielle ? Pas le vrai problème.
L’IA ne fait pas peur à Marie Leroy. Parce qu’elle a une foi inébranlable dans ce qu’un texte humain produit :
« Ce sont les lecteurs qui décideront. Ils sentent quand un texte n’ajoute rien. »
L’IA peut générer des récits consommables. Mais si vous voulez toucher quelqu’un, il faudra avoir quelque chose à dire. Encore et toujours.
7. Son conseil aux jeunes auteurs ? Écrire sans vouloir plaire
Pas pour faire plaisir. Pas pour “marcher”. Pour exprimer ce qui compte pour vous :
« Si vous écrivez pour plaire, vous perdez l’authenticité. »
Et surtout :
« Il faut avoir quelque chose à raconter. »
Si vous n’avez rien à raconter, vous avez juste un carnet de mots bien écrits. Rien de plus.
Conclusion
Travailler avec un éditeur, ce n’est pas une validation. C’est une épreuve de vérité. C’est parfois douloureux. Souvent exigeant. Mais quand le dialogue prend, quand la voix s’éclaircit, le livre s’élève. Et l’auteur avec lui.
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