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Peut-on écrire des histoires sans tension ?

Peut-on vraiment écrire des histoires sans tension ? C’est comme prétendre peindre sans couleur ou faire de la musique sans rythme. Des maîtres comme Aristote, Tim Willocks et Stephen King ont tous montré que la tension est essentielle à la narration. Mais alors, pourquoi blâmer les récits de refléter la violence du monde, quand ils ne font que l’exorciser ?


Peut-on vraiment écrire des histoires sans tension ?
La question semble presque absurde, et pourtant, à chaque époque, certains s’obstinent à vouloir rendre les récits « gentils », dénués de tout conflit ou de toute violence. Comme si l’on pouvait dissocier l’humain de ses propres tourments ! Si certains accusent la fiction d’alimenter la violence du monde, c’est peut-être qu’ils n’ont jamais véritablement compris la fonction des histoires. Les histoires ne créent pas la violence, elles ne font que la recréer, la mettre en scène pour l’exorciser.
Aristote lui-même, dans sa Poétique, définissait la catharsis comme une libération des émotions par le biais du théâtre tragique.

Les récits mettent en lumière nos conflits internes, nos désirs inassouvis et nos peurs les plus profondes. Alors imaginer une histoire sans tension, c’est tout simplement renoncer à ce qui fait d’elle une histoire. C’est comme faire de la musique sans rythme, ou de la peinture sans couleur.

Tim Willocks : « Seuls les galères sont intéressantes »

Tim Willocks, auteur de romans historiques et de thrillers, ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de parler de la tension narrative. Lors de son interview avec Les Artisans de la Fiction, il déclarait avec une franchise déconcertante : « Seuls les galères sont intéressantes ».

Il poursuit : « L’histoire prend vie lorsque vous y mettez des personnages qui luttent, souffrent et affrontent des problèmes. ».


Willocks touche ici au cœur du problème. Une histoire sans tension, sans personnages qui souffrent ou qui se débattent dans des situations critiques, n’a tout simplement pas de raison d’être. Les ennuis, les conflits, les luttes, c’est cela qui rend une histoire captivante. Vouloir écrire sans tension, c’est dénaturer la fonction même de l’art narratif.

 Une histoire sans tension, vraiment ?

Yves Lavandier, auteur du célèbre ouvrage La Dramaturgie, nous rappelle que le cœur de tout récit repose sur un déséquilibre initial. Si tout va bien, si tout est en ordre, alors où est l’histoire ? Comme l’explique Lavandier, « le conflit est au centre de toute dramaturgie, car c’est lui qui permet de faire avancer l’intrigue et de provoquer l’attachement émotionnel du spectateur ou du lecteur ». On se bat pour les personnages, pour leurs luttes, leurs désirs, leurs échecs. Sans cela, il ne reste que du vide narratif.

John Truby, dans son livre The Anatomy of Story, va encore plus loin : « Les histoires sont des moteurs émotionnels, et la tension est le carburant qui les fait avancer. »

L’absence de tension conduit inévitablement à une stagnation. Vouloir échapper à la tension, c’est nier l’essence même de la nature humaine. Truby insiste sur l’idée que la construction des récits est une manière d’explorer nos zones d’ombre, nos contradictions intérieures.

Stephen King : le chaos comme inspiration

Mais qui pourrait ignorer l’avis de Stephen King, l’un des maîtres modernes de la tension narrative ? Dans son essai Écriture : Mémoires d’un métier, King explique que la tension est ce qui capte le lecteur dès la première phrase. Et ce n’est pas nécessairement une tension physique ou violente ; elle peut être psychologique, émotionnelle, ou même spirituelle. Mais sans elle, le lecteur décroche.

Il affirme : « Les histoires sont un moyen de survivre aux cauchemars de la vie réelle ». Les récits pleins de tension ne nous poussent pas vers la violence ; ils nous aident à l’exorciser.

Les détracteurs de la tension, ceux qui accusent les récits de violence de pousser les gens au crime, passent à côté d’une évidence. Ce n’est pas l’histoire qui crée le chaos ; elle ne fait que le refléter. Les récits tendus nous confrontent à nos propres contradictions, nous forcent à regarder en face ce que nous refuserions de voir autrement. Il serait plus juste de dire que la tension dans les histoires nous aide à domestiquer la violence qui existe déjà en nous et autour de nous.

Les récits sans tension : une utopie trompeuse

Ceux qui prônent des récits sans tension, sans conflit, rêvent d’un monde parfait et uniforme, où rien de mal ne peut arriver. Mais ces récits-là, s’ils existent, sont vite oubliés. Qui se souvient d’une histoire où tout va bien du début à la fin ? La tension est ce qui fait palpiter le cœur du lecteur, c’est ce qui fait qu’on tourne la page avec impatience. Aristote l’avait déjà compris il y a plus de 2000 ans : ce sont les conflits qui mènent à la catharsis. Sans eux, pas d’émotion, pas de libération.

Si nous devons laisser nos histoires vivre, il faut accepter qu’elles soient tendues, troublées, et parfois violentes. Ne soyons pas dupes : écrire des récits sans tension, c’est écrire des récits sans vie.

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