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Portes qui claquent et sang sur les murs : La maison hantée (1959) de Shirley Jackson


Plongez dans l’univers obscur et psychologiquement intense de « La maison hantée » de Shirley Jackson. Cet article explore le classique de l’horreur, mettant en lumière la pertinence continue de l’histoire, la complexité de la relation mère-fille présente dans le récit, et l’impact durable de Shirley Jackson sur le genre. Découvrez comment ce roman emblématique continue de captiver et d’inspirer, plus de six décennies après sa publication. Une analyse approfondie pour les amateurs de frissons littéraires et ceux qui cherchent à comprendre les mécanismes du genre de l’horreur.

Lorsqu’on évoque la figure de La maison hantée, il est difficile de ne pas parler de Shirley Jackson et de son immense apport à la littérature d’horreur psychologique. Son roman du même nom publié en 1959 a inscrit les bases de la maison hantée telle qu’on la connaît aujourd’hui et a inspiré bien d’autres auteurs : Matheson et sa Maison des Damnés (1971) ou Stephen King avec Shining (1977), pour ne citer qu’eux. La maison hantée reste une œuvre influente, si bien que trois adaptations en ont été faites depuis la sortie du roman : La maison du diable de Robert Wise en 1963, Hantise de Jan De Bont en 1999 et en 2018 la saison 1 de la série Netflix, The haunting, cette dernière étant très librement inspirée du matériau original.

« Nous avions laissé la lampe allumée, se dit-elle, alors pourquoi fait-il noir ? »

La pertinence de cette histoire se trouve sans doute dans la simplicité et l’efficacité du dispositif : un réseau de personnages resserré, une temporalité restreinte, un seul personnage focal pour moins de trois cents pages d’angoisse. Qu’est-ce qui fascine encore dans ce roman presque 70 ans après sa sortie ?

Aucun organisme vivant ne peut demeurer sain dans un état de réalité absolue. Même les alouettes et les sauterelles rêvent, semble-t-il. Mais Hill House, seule et maladive, se dressait depuis quatre-vingts ans à flanc de colline, abritant en son sein des ténèbres éternelles. Les murs de brique et les planchers restaient droits à tout jamais, un profond silence régnait entre les portes soigneusement closes. Ce qui déambulait ici, scellé dans le bois et la pierre, errait en solitaire.

C’est sur ces cinq phrases que s’ouvre La maison hantée.

Shirley Jackson fait le choix d’une introduction déstabilisante et originale pour ses premières phrases, où elle représente la maison sous la forme d’une entité vivante envahie par une noirceur sans âge. Une entrée en matière intense et peu conventionnelle qui donne le ton de tout le roman et de son cadre narratif.

C’est en effet dans cette fameuse « maison » que vont évoluer les personnages.

« Cette maison est malsaine. Pars d’ici tout de suite. »

Afin de démontrer scientifiquement que les lieux sont hantés, le docteur John Montague embauche trois jeunes gens pour mener une expérience, dont la protagoniste et narratrice, Eleanor Vance.

Eleanor est une jeune femme déjà bien abîmée par la vie puisqu’elle a passé dix ans à prendre soin de sa mère malade avec qui elle entretenait une relation pour le moins compliquée :

Eleanor Vance avait trente-deux ans lorsqu’elle arriva à Hill House. Depuis le décès de sa mère, sa sœur restait la seule personne au monde pour qui elle éprouvât véritablement de la haine. Elle n’aimait pas non plus son beau-frère, et sa nièce, âgée de cinq ans. Elle n’avait pas d’amis. Tout cela à cause des onze années qu’elle avait passées à soigner une mère invalide.

C’est à travers le point de vue de ce personnage qu’on suivra presque toute l’histoire et c’est notamment une des distinctions du roman de Jackson avec ceux de ses successeurs. Là où des romans comme Shining nous offrent des alternances de points de vue comme autant de bouffées d’air frais au lecteur, La maison hantée nous piège dans la psychée d’Eleanor, tout comme Eleanor est piégée dans Hill House. Un choix marqué qui crée une vive tension tout au long du livre.

Afin de nous plonger dans la psychée de ce personnage, Shirley Jackson fait l’usage du monologue intérieur et ce, dès les chapitres introductifs. Par petites touches, on en apprend beaucoup sur la créativité, la rêverie mais aussi l’instabilité qui habite la psychée de la narratrice : 

J’aimerais la frapper avec un bâton, pensait Eleanor en regardant la tête de Theodora qui était assise par terre près de son fauteuil. La lapider avec de grosses pierres.

« AU SECOURS ELEANOR RENTRE A LA MAISON »

D’après sa biographie publiée en 2016 par Ruth Franklin, Shirley Jackson entretenait avec sa mère une relation « empoisonnée » dans laquelle Jackson a été « rabaissée toute sa vie ». La relation tumultueuse entre Shirley Jackson et sa mère a eu un impact direct sur la caractérisation des femmes dans son œuvre, dans la mesure où Shirley Jackson semble avoir utilisé son monde fictif, du moins en partie, pour mettre en scène la cruauté de sa mère. Ce thème des relations difficiles entre mères et filles est d’ailleurs récurrent dans l’œuvre de Shirley Jackson comme The bird’s nest (1954) ou, Nous avons toujours vécu au château (1962). L’héroïne du premier roman voit son esprit se scinder progressivement en personnalités multiples suite au décès de sa mère. Quant au second roman (qui fut le dernier publié par Shirley Jackson), il s’agit d’un fantasme de meurtre familial.

La maison hantée n’a rien perdu de son intérêt plus de soixante ans plus tard. Nombreuses sont les interprétations possibles de ce roman : l’horizon restreint des possibles lorsqu’on est une jeune femme, la complexité insondable de l’esprit humain ou l’impossibilité d’échapper à ses démons. Dans tous les cas, Shirley Jackson a glissé ses propres angoisses dans ce roman et ce n’est sans doute pas étranger au fait que des décennies plus tard, il résonne avec une telle force.

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