Sortir l’écrivain de sa tour d’ivoire : un mythe romantique à déconstruire. Les écrivains doivent-ils vraiment se cloîtrer pour produire des chefs-d’œuvre ? Dans un monde où la collaboration et les nouvelles technologies redéfinissent la création littéraire, l’image de l’écrivain solitaire est-elle encore pertinente ?
L’expression « tour d’ivoire » trouve son origine dans la Bible, plus précisément dans le Cantique des Cantiques, où elle symbolise la pureté : « Ton cou est comme une tour d’ivoire ». Au fil du temps, cette métaphore a été utilisée pour décrire les écrivains et les intellectuels vivant retirés du monde, plongés dans leurs pensées et créations, souvent coupés des réalités quotidiennes.
Cette image est particulièrement associée aux écrivains romantiques du XIXe siècle. Le romantisme, mouvement littéraire et artistique, valorisait l’expression personnelle, l’introspection et le sublime de la nature. Les écrivains romantiques, tels qu’Alfred de Musset ou Lord Byron, étaient perçus comme des âmes solitaires, communiant avec leurs émotions et la nature pour produire des œuvres d’une grande intensité émotionnelle. Leur éloignement de la société était considéré comme nécessaire pour préserver la pureté de leur inspiration et de leur art.
Cependant, cette vision de l’écrivain isolé a évolué. Aujourd’hui, le processus de création littéraire est souvent collaboratif, intégrant divers acteurs comme les éditeurs, les agents littéraires, les co-auteurs et, pour les séries télévisées, de véritables équipes d’écriture menées par un showrunner. Sortir de sa « tour d’ivoire » est devenu une nécessité pour beaucoup d’écrivains, afin de s’adapter aux nouvelles réalités du monde littéraire et de l’industrie audiovisuelle.
L’accompagnement de l’éditeur
Les éditeurs jouent un rôle crucial dans le processus de création littéraire. Ils ne se contentent pas de sélectionner des manuscrits ; ils accompagnent les auteurs tout au long de la création, de la révision et de la publication.
Caroline De Benedetti, directrice de collection aux éditions L’Atalante, souligne : »On est aussi très sensibles à la qualité de l’écriture. L’histoire n’est pas suffisante si jamais l’histoire est bonne mais que c’est une rédaction de niveau troisième, ça va être gênant. »
Les éditeurs travaillent donc en étroite collaboration avec les auteurs pour affiner le texte, renforcer la structure narrative et s’assurer que le roman publié répond aux attentes de qualité.
Le rôle de l’agent littéraire
Dans les pays anglo-saxons, les agents littéraires jouent un rôle déterminant dans la carrière des écrivains. Ils agissent comme intermédiaires entre les auteurs et les maisons d’édition, négociant les contrats, mais aussi offrant des conseils sur le développement de la carrière de l’auteur. Ces agents permettent aux écrivains de se concentrer sur l’acte d’écrire, tout en assurant que leurs intérêts sont protégés et promus dans l’industrie. Bien que cette pratique soit moins courante en France, elle gagne en popularité et influence, aidant de nombreux auteurs à naviguer dans le monde complexe de la publication.
L’écriture à quatre mains
L’écriture collaborative, ou à quatre mains, est une méthode fascinante pour briser l’isolement créatif. Cette pratique permet à deux auteurs de fusionner leurs talents, leurs idées et leurs styles pour créer une œuvre unique. Lors de la masterclass « Écrire à Quatre Mains », Tim Willocks et Caryl Férey ont illustré comment cette collaboration peut révolutionner le processus créatif.
« Écrire à quatre mains pourrait sembler une monstruosité,mais les récits construits à plusieurs existent depuis très longtemps. »
Nathalie Beunat, éditrice chez Point, a décrit comment la contrainte de format et la coordination entre les auteurs et le traducteur ont joué un rôle crucial dans la réussite de ce projet. « Mon rôle, chapitre par chapitre, c’est de leur faire un retour comme un éditeur fait un retour à son auteur. »
En fin de compte, l’écriture à quatre mains est un voyage partagé où chaque auteur contribue à créer une œuvre qui dépasse ce qu’ils auraient pu accomplir seuls.
Les writing rooms pour les showrunners
Dans l’industrie audiovisuelle, les writing rooms sont devenues essentielles pour la création de séries télévisées. Les showrunners, ou créateurs de séries, dirigent ces équipes d’écrivains pour développer les arcs narratifs, les personnages et les dialogues.
Kenan Görgün, écrivain et scénariste, illustre cette dynamique : « Aujourd’hui, je suis créateur de deux séries en développement […] avec des équipes d’écriture que je chapeaute. » Ce modèle collaboratif permet une production plus efficace et diversifiée, intégrant les idées et les compétences de plusieurs écrivains pour créer des histoires captivantes et cohérentes.
L’impact des formations d’écriture
Les formations d’écriture offrent également une plateforme pour sortir de l’isolement. Ils permettent aux écrivains de partager leur travail, de recevoir des feedbacks constructifs et de s’inspirer des expériences des autres. Les Artisans de la Fiction, par exemple, proposent des formations basées sur des méthodes anglo-saxonnes de creative writing, combinant théorie et pratique pour aider les écrivains à développer leurs compétences narratives. Agathe Leclercq, après avoir suivi une formation auprès des Artisans de la Fiction, affirme : « Ces ateliers permettent de combler le fossé entre la théorie et la pratique de l’écriture. »
Le rôle des nouvelles technologies
Les nouvelles technologies, y compris l’intelligence artificielle, offrent de nouvelles opportunités pour les écrivains. Bien que certains craignent que l’IA remplace les auteurs, elle est principalement utilisée comme outil de support.
Léa Bohringer, scénariste et productrice artistique, partage : « J’utilise aussi parfois l’IA pour vérifier que je ne me suis pas trompée […] Je pense que l’IA reste un outil de documentation, pas un outil de création. » Les écrivains peuvent ainsi utiliser l’IA pour la recherche, la correction et l’organisation, tout en conservant la main sur le processus créatif.
Conclusion
Sortir de la « tour d’ivoire » n’est plus une option mais une nécessité pour les écrivains modernes. Qu’il s’agisse de collaboration avec des éditeurs, des agents, d’autres écrivains ou d’équipes d’écriture, l’interaction et le partage sont essentiels pour enrichir le processus créatif et s’adapter aux réalités changeantes de l’industrie. Les nouvelles technologies offrent également des outils précieux pour soutenir les auteurs, tout en maintenant l’importance de l’humain dans la création littéraire. En combinant ces approches, les écrivains peuvent non seulement produire des œuvres de qualité, mais aussi trouver un écho plus large auprès de leur public, créant ainsi des liens et des ponts entre les lecteurs du monde entier.
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