Les 7 intrigues fondamentales : utiliser la force des structures classiques de romans
Existe-t-il des structures d’histoires types ? Ces structures sont-elles stéréotypées ? Au-delà des fantasmes et des a priori, se pencher sur les types d’histoires et les émotions qu’elles génèrent chez le lecteur, c’est apprendre à utiliser la force des structures classiques de romans.
Balayons tout de suite l’idée que les grands écrivains n’ont rien appris avant d’écrire. Et pendant que nous y sommes, balayons aussi la crainte qu’une structure produise des histoires formatées.
L’étude des structures d’histoires remonte à Aristote, qui dans « La Poétique » a proposé deux grands types d’histoires toujours pertinents aujourd’hui : la comédie et la tragédie. Aristote a également posé les bases de la structure d’une histoire en trois actes. Ces trois actes correspondent au début, au milieu et à la fin d’une histoire. Chacune de ces parties remplit un rôle fondamental pour capter, maintenir et satisfaire le public.
D’où Aristote sort-il ces notions ? Il a étudié et comparé les pièces de théâtre de son époque, afin de voir si des constantes se dégageaient. Étonnamment, peu de chercheurs se sont engagés sur le même sujet d’étude. En 2400 ans, ceux qui ont entrepris de comparer les histoires afin de déterminer s’il existait des types d’histoires récurrentes se comptent sur les doigts d’une main.
L’histoire de la dramaturgie
En France, avant l’abandon de l’imitation des modèles classiques à la fin du 19ème siècle, Georges Ploti a tenté de théoriser en 1895 ce que l’on trouve dans tout scénario d’histoire. Malheureusement, les situations qu’il a identifiées ont très mal vieilli et ne seront guère utiles au narrateur actuel.
En 1928, le formaliste russe Vladimir Propp publie Morphologie du conte où il procède de la même manière qu’Aristote. Après avoir étudié une centaine de contes, il se penche sur « l’étude des formes et l’établissement des lois qui (en) régissent la structure ». Son ouvrage est traduit en français en 1965. Il y présente la structure des contes sous la forme d’équations. Le résultat est difficile à appréhender mais lègue une typologie riche (fonctions narratives, séquences, personnages). L’héritage de Propp nourrira la narratologie, tentative de créer une « science de la narration », qui se révèlera particulièrement abstraite.
En 1990, le français Yves Lavandier, qui se définit comme « aristotélicien » et qui a étudié le scénario aux États-Unis, autopublie « La Dramaturgie ». Dans cet ouvrage, il explique le fonctionnement d’une histoire à l’aide de nombreux exemples de films (d’auteur et grand public) ainsi que de nombreuses pièces de théâtre (classique et moderne). « La Dramaturgie » devient une référence.
Combien de types d’histoires ?
Pour l’auteur débutant – ou pour toute personne qui découvre les règles de la dramaturgie et de la narration – il peut paraître suspect de découvrir que le nombre de schémas narratifs fondamentaux varie en fonction des auteurs. Le polémiste Christopher Booker détermine l’existence de sept histoires classiques. Il n’en existe qu’une pour Vogler. Tobias en compte vingt… On se dit alors que si chaque auteur détermine un chiffre différent de type d’histoires classiques, c’est qu’ils ont tous tort ! Et s’ils ont tort, cela voudrait dire que la question d’une structure classique est inepte.
En réalité, quand on lit ces auteurs et qu’on essaye de comprendre leurs démarches, on se rend compte que la variété de leurs approches ne les met pas en opposition. Tous ces auteurs s’accordent sur un point, c’est qu’il existe bien une structure classique de base pour toutes les histoires. Cette structure — dégagée par Aristote — veut que pour qu’une histoire soit racontée dans son intégralité (c’est-à-dire qu’elle donne à son lecteur le sentiment qu’on lui a « tout » raconté – on dit alors qu’elle « donne satisfaction »), elle suive un schéma classique comprenant un début, un milieu et une fin.
À partir de cette structure classique de base, il existe une infinité de variations possibles. MAIS certaines ont été utilisées bien plus souvent que d’autres par les humains au cours de l’Histoire, voire de façon récurrente, presque obsessionnelle. C’est cette récurrence qui leur donne le statut d’histoire « classique ».
La structure des histoires classiques
Dans « The Seven basic plots », Christopher Booker circonscrit sept histoires dont les structures semblent être sans cesse utilisées et réutilisées pour raconter les histoires : la quête, la comédie, la tragédie, les histoires de renaissance, d’accession à la richesse et de départ dans un « autre monde ».
Booker se concentre sur ces sept types d’histoire qu’on retrouve encore et encore dans le théâtre et la poésie, puis dans les romans, les films, et tous les types de fiction… mais en aucun cas, il ne dit que ces sept types d’histoire sont uniques et qu’il n’en existe aucune autre !
En analysant et dégageant les structures de ces sept histoires, il tente de comprendre pourquoi les auteurs et autrices y retournent toujours. Il découvre que chacune de ces histoires permet d’aborder des thèmes fondamentaux pour les humains et répond à des besoins émotionnels, psychologiques et sociaux. Si nous lisons, écrivons, regardons des histoires, c’est pour nous détendre, mais aussi et surtout pour nous aider à mieux nous comprendre et à nous développer. Or ces sept types d’histoires, déterminées par Booker, touchent à ces grandes questions de l’humanité qui travaillent chacun et chacune d’entre nous.
Pourquoi les étudier ?
En se penchant sur l’étude de Booker, on apprend donc à relire les grands classiques et les histoires contemporaines. On dégage de grandes règles dramaturgiques, on repère les thèmes que ces structures classiques portent et les émotions qu’elles font vivre à leurs lecteurs et spectateurs. Booker nous apprend donc à mieux lire. Il nous permet de mieux comprendre les histoires, mais aussi mieux comprendre les grandes questions qui traversent les cœurs des humains… et qui font des sujets de roman non seulement intéressants, mais nécessaires.
L’étude de Booker n’est pas une panacée, encore moins une religion faite de dogmes qu’il faudrait exécuter sans en comprendre l’intérêt pour avoir son roman en trois clics. Nous encourageons nos élèves à lire d’autres auteurs et autrices qui analysent et étudient des schémas d’histoires classiques différents et/ou plus nombreux que les sept histoires classiques définies par Booker.
Apprendre les modèles
Notre façon d’enseigner à nos élèves les sept structures classiques de romans telles que définies par Booker ne se résume pas à la simple étude. Nous dégageons les grandes idées, les structures fondamentales, les thèmes et les émotions de chaque type d’histoire. Nous analysons leurs différentes variations à travers de très nombreux exemples issus de la littérature classique et contemporaine.
Par exemple, pour la structure d’intrigue de la tragédie, on prendra comme exemple « Antigone » de Sophocle, mais aussi « Macbeth » de Shakespeare, « Bonny and Clyde », « Les Possédés », ou encore « Wonder Wheel » de Woody Allen.
Car il n’y a jamais une seule manière de mettre en œuvre la structure classique d’une histoire (auquel cas, nous écririons tous la même histoire… ce qui n’est pas le cas !). Mais ces œuvres — et bien d’autres encore — ont pour dénominateur commun un schéma narratif similaire et des thèmes puissants, fondamentaux.
Après ces analyses, nous amenons nos élèves à copier le schéma narratif en imaginant une histoire à partir de l’exemple type, afin qu’ils s’immergent dans la structure d’histoire et qu’ils en perçoivent toute la force et la puissance.
Faire vôtre un thème universel
La mauvaise manière de faire cet exercice est d’abattre une structure sans essayer de comprendre son mouvement interne et les thématiques puissantes qu’elle soulève. La bonne manière, ce n’est pas de remplir toutes les cases, mais de faire sien un thème universel et de le dérouler classiquement en apprenant des maîtres. À la sortie de la formation chaque élève dispose d’un répertoire d’au moins sept histoires puissantes qu’il a construites ou co-construites. Rien ne l’empêche ensuite de reprendre ces structures d’histoire développées en classe et de les refaire « à leur sauce » !
Découvrir et s’approprier les structures classiques de romans
Si vous souhaitez analyser et expérimenter avec les 7 intrigues fondamentales à votre tour deux possibilités s’offrent à vous !
Vous pouvez suivre notre stage intensif de cinq jours (trente heures), intitulé « Raconter avec les 7 intrigues fondamentales ». À l’heure actuelle, nos formations sont accessibles en télé-enseignement et/ou en format mixte (vous choisissez de suivre la formation en présentiel ou à distance).
La construction de sept structures classiques de romans est également au programme de notre deuxième année de cycle « L’Artisanat de l’écriture ». Pour accéder à la deuxième année, il est indispensable d’avoir suivi la première année, afin de bénéficier d’un apprentissage progressif. Vous entrez dans le monde millénaire et fascinant de la fiction.