Dans le domaine de la littérature, qu’il s’agisse de romans ou de nouvelles, la description joue un rôle crucial en offrant une fenêtre visuelle dans l’univers de l’œuvre. Antoine Albalat, dans son ouvrage L’art d’écrire de 1899, souligne l’importance capitale de la description, la considérant comme le fondement même de la littérature. Cet article explorera la fonction des descriptions dans la narration, en se servant des réflexions d’Albalat ainsi que des exemples tirés de Stephen King, Nicolas Mathieu et Georges Simenon.
Créer l’illusion de la vie
Selon Antoine Albalat, dans l’Art d’écrire (1899) le but principal de la description est de « donner l’illusion de la vie ». Elle doit faire plus que simplement énumérer ou caractériser ; elle doit peindre un tableau vivant des scènes, des personnages et des objets. Cette peinture animée permet aux lecteurs de visualiser matériellement l’univers du récit, les rendant tangibles et palpables.
Différencier les bons des mauvais écrivains
La capacité à bien décrire est la pierre de touche du talent littéraire. Albalat argue que c’est la description qui distingue les écrivains compétents de ceux qui ne le sont pas. Les descriptions efficaces captivent et maintiennent l’attention du lecteur, alors que les mauvaises semblent n’être que des accumulations de mots sans impact visuel.
Evocation plutôt que simple exposition
La description doit évoquer et non pas simplement exposer. Elle doit transcender la simple transmission d’informations pour engager activement l’imagination du lecteur, en créant des images qui stimulent ses sens et évoquent des émotions.
Exemples Pratiques de la Puissance de la Description
Stephen King – « Un élève doué » :
(…) « La maison sentait l’aigre et le renfermé. Un peu comme chez Todd, certains matins, quand ses parents avaient eu des invités et que sa mère n’avait pas encore eu le temps d’aérer. Mais ici c’était pire. L’odeur était installée, incrustée. L’alcool, la friture, la sueur, les vêtements sales et une puanteur médicamenteuse comme du Vicks ou du Mentholatum. Il faisait sombre dans l’entrée, et Dussander était trop près, la tête rentrée dans l’encolure de son peignoir comme un vautour attendant qu’un animai blessé rende l’âme. À ce moment-là, malgré les poils mal rasés et la peau flasque et fripée, Todd put voir l’homme qui avait endossé l’uniforme SS plus clairement qu’il ne l’avait jamais vu dans la rue. Et il sentit soudain une lame de peur s’insinuer dans son ventre. » (…)
Dans cet extrait, King utilise la description pour instiller une atmosphère oppressante. La maison de Dussander, décrite avec des détails olfactifs et visuels tels que l’odeur aigre et l’obscurité de l’entrée, crée une tension immédiate. Cela prépare le terrain pour la révélation du caractère sinistre de Dussander, accentuée par la comparaison de sa posture à celle d’un vautour. King maîtrise l’art de la description pour renforcer le suspense et le développement du caractère.
Nicolas Mathieu – « Leurs enfants après eux » :
(…) « Drimblois était un petit village modèle, avec son église, quelques fermes le long de la départementale, des pavillons plus récents, une vieille baraque de dentiste avec une grille en fer forgé. Il leur fallut à peine vingt minutes pour y arriver. Une fois sur place, ils tournèrent un moment avant de dénicher la maison où avait lieu cette fameuse fiesta. C’était une belle baraque moderne et transparente. De la lumière brillait dans toutes les pièces, la pelouse était vallonnée comme celle d’un golf et, au fond, la piscine brillait d’un éclat turquoise. » (…)
Nicolas Mathieu, à travers ses descriptions, peint le décor de la vie provinciale française. La description de la maison des Casati et des environs évoque un sentiment de délabrement et de stagnation, reflétant les thèmes plus larges du roman sur les aspirations et les désillusions de la jeunesse dans un monde immuable.
Georges Simenon – « Maigret a peur » :
(…) Louise Sabati n’était pas belle. En robe noire et tablier blanc, elle devait avoir cet air fatigué qu’on voit à la plupart des femmes de chambre dans les hôtels de province. Il y avait pourtant quelque chose d’attachant, de presque pathétique dans son visage pâle où des yeux sombres vivaient intensément.(…)
Simenon utilise des descriptions pour approfondir les personnages et enrichir l’ambiance. La description physique des personnages, comme la femme de chambre ou Emile Chalus, ajoute des couches de réalisme et d’humanité à ses récits, tout en soutenant l’atmosphère globale de mystère et de tension.
Conclusion
Les descriptions dans un roman ou une nouvelle ne sont pas de simples ornements textuels ; elles sont essentielles pour donner vie à l’histoire. En suivant les conseils d’Antoine Albalat et en observant les techniques employées par des maîtres comme Stephen King, Nicolas Mathieu et Georges Simenon, les auteurs en herbe peuvent apprendre à utiliser efficacement la description pour enrichir leurs propres récits. Que ce soit par l’évocation sensorielle, la peinture de caractères vivants ou la création d’atmosphères immersives, la description est un outil puissant dans l’arsenal de tout écrivain.
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