La tension narrative, telle une étoffe délicate, confère vie à toute histoire, reliant les lecteurs à l’intrigue.
Créer la Toile Narrative :
À l’instar d’un tisserand qui choisit méticuleusement ses fils, l’écrivain façonne les éléments narratifs pour créer la base de l’histoire. Comme Stephen King crée des personnages mémorables tels que Jack Torrance dans le roman « Shining », l’objectif est de mettre chaque fil de l’histoire en tension.
La tension chez Jack Torrance, naît de plusieurs facteurs : l’amour qu’il a pour son fils d’un côté, et les colères dues à sa frustration de l’autre. Ces tensions sont au cœur de la matrice psychique de ce personnage. Jack Torrance a subi la violence de son père, enfant, et désire être un père aimant pour son fils Danny. Ces deux pôles antagonistes créent une tension maximale dans sa psyché, et chez le lecteur.
Les tensions de ce personnage sont aussi renforcées par l’univers narratif de « Shining ». D’un côté, la situation professionnelle de Jack Torrance est devenue difficile et il a peur de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. De l’autre côté, il perçoit la toxicité de l’hôtel Overlook, mais il est sensible aux tentations qu’agite dans son esprit l’hôtel hanté.
Les Personnages :
Des personnages bien développés agissent comme des nœuds dans le tissu narratif, apportant avec eux des conflits, des désirs et des secrets. Comme Guy de Maupassant sculpte les personnages dans « Bel-Ami », l’écrivain crée des tensions dynamiques qui impulsent l’intrigue. Ainsi, le protagoniste de Bel-Ami est un ancien soldat médiocre et manipulateur, mais l’univers narratif où il s’immerge est tellement corrompu que le protagoniste doit anticiper et devenir plus retors pour survivre.
L’univers narratif :
L’univers narratif où se déroule l’histoire est le métier à tisser sur lequel se tendent et se croisent les différents fils de l’histoire. Tout comme un artisan crée une atmosphère particulière dans son atelier, l’écrivain doit utiliser les contrastes du cadre pour créer des tensions spécifiques. John Truby souligne que « l’atmosphère est aussi importante que l’intrigue », montrant comment les transformations de l’univers narratif peuvent aider intensifier la tension narrative.
L’univers narratif d’une histoire est un personnage à part entière, avec un passé, des manques et des failles.
Dans « Shining », l’univers narratif est isolé, les personnages ne peuvent le fuir pendant plusieurs mois. L’hôtel Overlook a un passé douloureux (échecs commerciaux, main mise de mafia, meurtres politiques et passionnels). L’hôtel est une créature qui se nourrit des fantasmes et des frustrations des personnages.
Établir des Enjeux :
L’écrivain doit insuffler des enjeux significatifs à l’histoire. Outil souvent difficile à maîtriser pour les débutants, l’enjeu est ce pour quoi les personnages se battent, luttent, résistent : se nourrir, se loger, aimer. Les conflits, les dilemmes et les défis créent une tension narrative qui incite les lecteurs à s’identifier aux personnages et à tourner frénétiquement les pages.
Dans « La Parure » Guy de Maupassant utilise les enjeux de sa protagoniste pour construire une tension tragique. Les enjeux Mathilde Loiseau évoluent : au début de la nouvelle elle désire sortir de la routine de son quotidien frustrant, puis après avoir perdu le collier, son enjeu devient de faire remplacer la parure, puis dans la dernière partie de la nouvelle, l’enjeu est de rembourser ses dettes.
Maintenir la Tension :
Une fois le canevas narratif établi, l’écrivain doit être habile à maintenir la tension tout au long de l’histoire. C’est un équilibre délicat, comparable à l’art de maintenir la cohérence dans un tissage complexe. Cela demande de maîtriser à la fois la structure globale de l’histoire, et également la construction dramatique des scènes.
Rebondissements et Surprises :
Comme un artisan qui réserve des éléments inattendus dans son œuvre, l’écrivain introduit des rebondissements et des surprises pour maintenir l’intérêt. Ces moments d’inattendu font ressortir la tension, gardant les lecteurs en haleine. John Truby souligne que « les rebondissements doivent être inattendus mais inévitables. »
Dans « Shining », les rebondissements sont liés aux moments de lucidité de Jack Torrance, et à ses rechutes.
L’écrivain, tel un artisan de la narration, utilise des techniques sophistiquées pour tisser ensemble les différents éléments de son histoire : personnages, univers narratifs, enchaînement des scènes. Pour maîtriser la gestion de la tension dramatique, l’écrivain apprend constamment des autres écrivains. Il étudiera leurs techniques, ainsi que l’héritage narratif, c’est-à-dire toutes les histoires qui l’ont précédé.
La narration est un artisanat complexe, qui demande des années d’étude et de pratique avant d’être maîtrisé, car les lecteurs ont lu et vu beaucoup d’histoires et sont très exigeants.
Conclusion :
Dans le grand métier de l’écriture, la tension narrative est le fil conducteur qui transforme une histoire en une expérience mémorable. En comprenant et en maîtrisant l’art de créer et de maintenir la tension, les écrivains deviennent les maîtres-artisans de mondes imaginaires, tissant des récits inoubliables qui résistent à l’épreuve du temps.
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