Vous pensez connaître votre personnage parce que vous lui avez donné un prénom, un passé, et une fiche Excel ? Faux. Vous le connaîtrez quand il commencera à parler — et que vous l’entendrez. Tant que sa voix n’est pas née, tout ce que vous écrivez, c’est vous.
1. Les histoires : pour faire parler les autres
Avant même de parler de technique ou de narration, Paula Hawkins rappelle une évidence que trop d’écrivains oublient : nous racontons des histoires pour comprendre.
« Les histoires nous aident à comprendre notre vie. À créer un récit pour comprendre le monde. »
Et surtout : elles permettent de se mettre à la place d’autrui.
« Les histoires nous aident à comprendre des gens qui ne nous ressemblent pas. »
Or, cela suppose un effort radical d’altérité. Il faut prêter sa voix — ou plutôt, recevoir celle d’un autre. C’est là que la complexité commence.
2. Le point de vue : une exploration, pas une certitude
Contrairement à ce que suggèrent certains manuels, Paula Hawkins ne commence jamais par décider du point de vue. Elle tâtonne. Elle écrit, elle teste, elle écoute ce que ça donne.
« Je ne sais jamais d’avance quel point de vue je vais utiliser. C’est de l’erreur et essai. »
Elle a utilisé la première personne, la troisième, parfois même un peu de seconde. Et ce qui décide, ce n’est pas une stratégie narrative, mais le son que produit la voix du personnage.
« J’essaie, et je vois : est-ce que ça sonne juste ? »
C’est un processus organique. Et elle le revendique.
3. Avant la voix : la lente gestation du personnage
Paula Hawkins confesse être une mauvaise chercheuse au sens classique. Pas de dossiers, pas d’interviews. En revanche, elle pense. Longtemps. Et profondément.
« Je pense à mes personnages pendant très longtemps avant d’écrire. Je dois vraiment les connaître. »
Ce travail n’est pas “visible”. Il n’est pas mesurable. Mais c’est lui qui permet de construire un personnage de l’intérieur, et pas par l’extérieur (fonction, physique, passé…).
On pourrait dire que l’intrigue se fabrique autour de cette connaissance silencieuse.
4. La voix du personnage : nerf du roman
Quand la voix du personnage émerge, elle devient la boussole du livre. Si elle ne vient pas, le roman ne viendra pas.
« Si la voix ne sonne pas juste, alors le roman entier va échouer. »
Elle distingue ici deux types de voix : celle de l’auteur, et celle du personnage.
Elles ne doivent pas se confondre.
« La voix du personnage, si vous ne l’avez pas dès le départ, vous n’irez jamais au bout. »
Et cette voix-là ne se force pas. Elle ne se déduit pas. Elle se trouve. Par essais, par échecs, par écoute.
5. Réécrire pour affiner la voix
Même une fois la voix trouvée, il reste à l’accorder. Paula Hawkins décrit un travail de réécriture musicale, où le roman devient une matière sonore qu’il faut ciseler.
« Essayer de perfectionner le son d’un roman, c’est une grande part de ce qui le fait vibrer. »
Ce n’est pas de la coquetterie stylistique. C’est une question de cohérence d’incarnation. La voix d’un personnage, c’est sa réalité émotionnelle.
6. Ne pas sacrifier la voix à l’intrigue
Hawkins reconnaît qu’elle ne planifie pas tout. Elle a un cap (souvent : qui a commis le crime ?), mais elle laisse le reste mobile, pour préserver la vitalité de l’écriture.
« Les meilleures idées viennent quand on laisse de la place à la spontanéité. »
Elle construit en marchant. Parce que c’est la voix du personnage qui l’emmène.
7. Voix, tropes et genres : entre détour et sincérité
Paula Hawkins ne rejette pas les tropes. Elle les utilise quand ils sont utiles, mais refuse d’en être prisonnière.
« Les tropes aident le lecteur à naviguer. Ils existent pour une raison. »
Mais elle dénonce les carcans imposés de l’extérieur, notamment par l’édition ou le marketing :
« Les distinctions rigides entre genres sont imposées de l’extérieur. »
Elle préfère se concentrer sur la vérité de la voix, qu’elle soit domestique, mystérieuse, ou mêlée de plusieurs tons.
8. Un conseil : ne restez pas seuls avec votre voix
Enfin, son conseil aux jeunes auteurs est simple et capital :
« Il faut absolument partager son travail. Sinon, on tourne en boucle dans sa tête. »
Elle recommande de trouver une personne, au moins, pour écouter la voix du texte. Pour qu’elle sorte du silence intérieur et rencontre un écho.
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